Page extraite de l'album GIVERNY AUTREFOIS _______________________________________
Texte d'André Buffet et Jean-Michel Peers Photographie et mise en page de Jean-Michel Peers
Cartes postales de la Terra Foundation for American Art (excepté Fourges et Vernonnet)
Photographie de Madame Aulnette et Adolphine (collection Roland Sorin)
Locomotive au hameau de Falaise (photo de 1969, collection famille Suzé)
Documents et toile relatifs à Fourges, de Mr et Mme Dufils
Photo de Graziana Marinello, de Jacqueline Marinello
Gare de Vernonnet et coupure de presse,
de Jocelyne Legendre ("Vernon et sa Région")
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CONSTRUCTION de la ligne de CHEMIN de FER de GISORS à VERNON
Cette section ferroviaire, dite d'intérêt local, était reliée à la ligne Paris-Rouen,
inaugurée 26 ans plus tôt, en 1843. La jonction se faisait en gare de Vernon (1870)
Les travaux du tronçon GISORS - VERNONNET commençent en 1865. La mise en service a lieu en 1869.
Cette ligne passe par Giverny, dernier arrêt avant d'arriver à Vernonnet. Pour continuer jusqu'à VERNON, on
franchit la Seine à hauteur de l'Hôtel de France, face à la route qui monte vers le quartier de Bizy. Le train
traverse le fleuve sur un pont métallique inauguré en 1870. En 1878, on inaugure le tronçon suivant, de
VERNON à PACY-sur-EURE. Cette nouvelle voie longe la forêt sur les hauteurs du val d'Aconville.
Il fallait des ouvrages pour le franchissement en hauteur des chemins montant vers la forêt.
Il en reste encore des vestiges, comme ici, au bout du chemin du Petit Val.
Une voie unique passait quelque 10 mètres au dessus du chemin
Les quarante kilomètres qui séparent Gisors de Vernonnet sont jalonnés de nombreux ponts,
gares et passages à niveau. Les localités desservies sont prospères: agriculture et
élevage de la plaine du Vexin Français, et industries des villes de la vallée d'Epte.
La voie est unique. Le trafic est néanmoins important, car, avec l'essor des industries
du début du siècle, le transport des matières volumineuses ou denses fait privilégier
le rail à la route. Les voyageurs trouvent enfin le moyen de rencontrer d'autres
horizons à moindre frais et presque rapidement! Il faut se rappeler qu'à
cette époque, on ne voyageait qu'à pied, à vélo, ou en voiture à cheval.
Le PARCOURS
De Vernon à Gisors, le trajet dure de 1,00h à 2,30h, suivant le n° du train.
Le cinquième arrêt est à Fourges où, comme à Giverny, il n'y a qu'une halte.
Les gardes-barrières des petites gares étaient souvent des femmes, qui vendaient
aussi les titres de transport au guichet de la gare. C'est le cas ici à Fourges,
comme c'était le cas également à Giverny. (voir en fin de page)
Le train est un sujet qui intéresse les peintres. Ce tableau n'a jamais quitté la gare de Fourges,
même après sa fermeture et sa cession à une famille qui en a fait son domicile maintenant.
Les trains omnibus ne se croisent qu'aux grandes gares, comme celle de Gasny.
La traction est évidemment à la vapeur, le combustible est bien naturellement le
charbon. Trois convois cheminent aller-retour, chaque jour, sur la ligne. Ils
transportent souvent des marchandises et des voyageurs. Ce sont les
"Chemins de Fer de l'Eure" qui exploitent la ligne depuis l'origine.
En 1892 la "Compagnie de l'Ouest" assure la relève. La traction
est assurée par des locomotives 120T et 030T. Ce sont des
machines-tenders, comme celle-ci, en gare de Gasny.
Le parcours en campagne herbue et boisée, à deux pas de Giverny,
pouvait réserver des surprises (presse locale, date inconnue)
Pauvres lapins !
Ci-dessous, la locomotive dans le dernier tronçon de son parcours Gisors-Vernonnet.
Ayant quitté Giverny, le convoi longe la colline crayeuse de Vernonnet avant d'arriver en gare.
La gare de VERNONNET était le terminus de ce tronçon, avant la mise
en service du deuxième tronçon vers Pacy-sur-Eure en 1878.
Le train arrive de la gauche
La TRAVERSÉE de GIVERNY
Au retour, le premier passage à niveau de Giverny est celui de Manitaux.
On le traverse pour accéder à la "Ferme Boyer", d'un côté, et à la ferme de la Grande Ile
dans les Ajoux, de l'autre côté. Un panneau émaillé indiquant "PRENEZ GARDE AUX TRAINS"
invite l'usager à traverser avec prudence, ce passage à niveau n'étant pas gardé.
Un peu plus loin, à l'approche de la route, les chauffeurs de locomotives signalent leur présence.
La barrière s'abaisse alors pour fermer le passage. Elle est commandée par le garde-barrière
au moyen d'un système de câbles. La maison du garde-barrière se situait au "petit pré",
à l'entrée du "Bout de Giverny", près de ce qui fut une station-service jusqu'en 2000.
Sur cette carte postale des inondations de 1910, on retrouve la maison du garde-barrière et
la voie ferrée. Le prochain ouvrage (la "Grande Arche") est dans le dos du photographe.
Le train franchissait ensuite le "ru communal", "petit ru" ou "ru de Giverny" une
première fois au pont de la Grande Arche pour passer sur la rive gauche.
Un kilomètre plus loin, il revient sur la rive droite au pont de
la "Petite Arche" pour y rester jusqu'à la sortie du village.
Ci-dessous, au delà de l'église, à la hauteur du quartier des "Grands Jardins"
Ci-dessous, à hauteur du Moulin des Chennevières.
Au fond, le moulin des Chennevières et sa dépendance. Le chien semble avoir
choisi de remonter vers le village par la rue des Corbichons (rue du Colombier)
En 2000, même lieu sous une fine neige. La route a remplacé le rail. Le lierre a envahi le toit
et embrassé la cheminée. Avec ce vieux rouleau compresseur, on pourrait s'y croire encore.
Dans les années 50, seul le train de marchandises était encore en service et la voie était peu
fréquentée. Les trains ont toujours fasciné les enfants, c'était donc l'occasion pour
Santina Marinello de faire cette amusante photo de sa fille Graziana, assise
fièrement sur la voie, sous les yeux du moulin des Chennevières !
Quelques centaines de mètres plus loin, nous sommes pratiquement au droit de la ruelle
de l'Amsicourt, le long du jardin de Monet. Ce passage permettait d'accéder à la plaine
des Ajoux pour mettre les vaches au vert. Cette traversée de la voie ferrée se
trouvait à la limite entre le jardin d'eau et l'ancienne peupleraie des Ajoux.
Au lieu des quelques trains quotidiens et les promeneurs du chemin à gauche
de la voie ferrée, c'est aujourd'hui une moyenne de 8000 véhicules par jour
qui circulent entre les deux jardins les plus visités de Normandie.
Avant d'arriver à la gare de Giverny-Limetz, le train passe derrière le lavoir de Cossy.
On le voit bien depuis le pont de Limetz d'où cette photo a été prise . La gare est
à une centaine de mètres derrière le photographe. A droite, le lavoir, et à gauche,
le moulin de Cossy. Faut-il préciser que c'est l'Epte qui sépare les deux...
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LES RELATIONS ENTRE LA COMPAGNIE ET LES MUNICIPALITÉS
L'étude du tracé, l'implantation des gares et des ouvrages de toute nature, sont proposés aux
municipalités pour avis. Ainsi, le projet de tracé de la ligne impose à la Compagnie une
modification de tracé du "Chemin d'Intérêt Commun de Vernon à Gisors", appelé
aussi "Chemin du Roy". Le 14 mai 1866, le maire propose à la Compagnie de
rétablir ce chemin au milieu du village plutôt que le long de la ligne projetée.
Malgré les bonnes raisons avancées par le maire, la Compagnie refuse.
De même le 9 juin 1868, pour ce qui concerne la halte projetée à Giverny, on considère
en mairie que l'intérêt du pays demande qu'elle soit placée à l'endroit où la rue des
Corbichons (rue du Colombier) traverse le chemin de grande communication
près du "Petit Moulin" (Moulin des Chennevières). Là encore, la Compagnie
du Chemin de Fer n'a pas retenu l'observation du maire.
Dommage, car cela aurait intéressé CLAUDE MONET, pour qui la gare projetée était trop
loin de son jardin. C'est ainsi que le peintre prendra l'habitude d'arrêter le convoi
par un geste de la main, au bas de sa propriété, pour se rendre en ville !
Heureusement, à l'emprise des installations sur le territoire communal, correspond une indemnité
octroyée par messieurs Claverie et Desroches, concessionnaires du Chemin de Fer, qui
"proposent une offre de 4000 francs, pour 65 ares, pour cause de dépréciation ou
en raison des plantations existant sur les terrains à acquérir" (délibération du 15 juillet 1868).
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La GARE de GIVERNY-LIMETZ
C'est du pont figurant sur cette carte que fut prise la photo où l'on voit le passage du train.
On remarque à gauche la locomotive à hauteur de la gare.
Madame Aulnette est depuis très longtemps la préposée à la distribution des billets,
et la responsable de la barrière du pont de Limetz. On la voit ici devant l'entrée.
Assise sur le banc, Adolphine, repasseuse attitrée de Claude Monet, arrière-grand-mère
de Jocelyne Lecanu, à qui nous devons ce document de famille.
Le passage à niveau est équipé de barrières à pousser pour les véhicules, et d'un portillon
pour les piétons. Il en coûte 5 sous (25cts) pour se rendre de Giverny à Vernonnet.
"Le 15 novembre 1896 des remerciements sont adressés à Claude Monet
pour un don de 210 francs destiné à l'acquisition d'une bascule
pour peser les bagages à la gare".(cf. A Picard)
Les délaissés de la route et de la voie ferrée sont livrés en
pâture à ce magnifique lapin. L'herbe y est grasse et drue.
Sa prison grillagée est sa demeure. Il ne manque que la liberté pour rendre ce mammifère heureux!
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Le DERNIER TRAIN
En 1939, le 1er juillet, le dernier train-voyageur parcourt les derniers soixante kilomètres du réseau.
Il ne restait plus que les trains de marchandises, encore utiles pour l'industrie de la vallée d'Epte.
Le 15 novembre 1965, les installations sont désaffectées et plus tard démontées de Vernonnet à Bray-Lu.
Au hameau de Falaise, le dernier train s'arrêta en face de la ferme, pour permettre à la famille Suzé
d'en garder un souvenir, avec René Suzé sur la locomotive. (date au dos, mars 1969, coll. Suzé)
Le dernier tronçon en service : Bray-Lu (usine de la "Vieille Montagne") - Gisors fonctionne
encore au début des années 1980 avec la traction diesel pour le transport des marchandises.
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La GARE ... Une nouvelle vie
Avec l'arrêt du service ferroviaire, l'occasion est toute trouvée pour créer une nouvelle salle des fêtes
qui remplacera le bâtiment vétuste voisin de la mairie. Sous l'impulsion de François Lamy, alors maire,
on agrandit le bâtiment existant. Le site ne manque pas de charme, avec l'Epte en bordure et
la possibilité d'aménager une pelouse et un terrain de boules. Il y a de la place pour se garer.
L'inauguration a lieu le 8 décembre 1986 en présence des officiels de la région.
Au centre, de g.à dr. François Lamy (écharpe de maire), Jean Jolivet, Henri Collard (président du Conseil Régional de l'Eure),
puis, en retrait, Jean-Claude Asphe (maire de Vernon)
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Voir l'ouvrage de Monsieur Roger Dordet:
"Histoire de la Ville de Vernon" : les transports - le commerce.
Le sujet, très documenté, est traité avec maîtrise.
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