Mercredi 25 Avril 1973 – Dimanche 6 Mai 1973 – Voyage de Compiègne et visite de la belle France par Chantal et Jean
Véhicule : 403 Peugeot (j’ai acheté la 404 le 30 Novembre 1973)
S’agit-il d’une relance suite à la proposition du sieur Cuzin, membre du jury de ma thèse, ou plus simplement une décision prise par moi-même suite à l’inefficacité des lettres de candidature, quand ce ne sont pas des offres délirantes, de me résoudre, la mort dans l’âme, de faire le voyage pour Compiègne afin d’avoir une entrevue avec la cheville ouvrière de la future UTC, Guy Dénielou, qui, paraît-il, cherche un photochimiste d’origine industrielle. Sans plus de détails, conversation de coin de table pour faire son intéressant. Suite à l’envoi d’une lettre j’ai reçu une convocation pour la fin du mois d’avril
Faire carrière dans l’enseignement ? Avec pour perspective la fôrêt, certes belle, de Compiègne en lieu et place de tout ce que m’offre mon pays natal, s’éloigner de sa famille et de ses amis, effacer sept années de recherches passionnantes et sans doute ne jamais pouvoir concrétiser par des réalisations industrielles le savoir pratique et théorique accumulé pendant toutes ces années et bien d’autres choses… La vie est dure… je n’ai pas envie d’être transformé en cloporte forestier qui perd sa vie en croyant la gagner. Mais c’est sans doute mieux que de retourner à la SOBEP, façon de parler. Et Chantal retrouvera-t-elle du travail en ces lointaines contrées ? par deça Paris, c’est dire.
Mais pour ne vexer personne et argumenter un refus je décide d’aller voir sur place ce dont il s’agit vraiment. Rendez-vous est pris pour fin avril, vendredi 28 me semble-t-il. Autre décision : faire le voyage en voiture afin de visiter notre belle France.
Compiègne, Beauvais, Bretagne, Dordogne 3500 km en tout, toujours avec la belle 403, compagne de moult grandes balades, dont la Grèce en 1969.
Janvier 1973 - Remarques préalables sur le RV de Compiègne et ce que j’en ai retiré :
Source : Agenda BNP 1973
Compiègne c’est bien gentil mais un travail éventuel ne commencerait qu’à la rentrée 1974, or il me faut travailler d’ici un ou deux mois.
On me répète qu’il n’y aura pas de chimie, seulement du génie chimique, simple charnière ( ?).
S’il y a de la photochimie elle sera dépendante d’un biochimiste qui viendra ou non. Sinon plouf.
Contractuel : CDD alors ?
Pas de documentaliste (ils appellent ça bibliothécaire)
Pourtant engagent des clans (?) ou Claus, des non technologiques, rats de labos
On me parle de Colcombet ( ?) comme si je le connaissais.
On me parle aussi de Verjoux, qui est bien ( ?)
Deniélou Guy (1928-2008), directeur, vantard comme Inchauspé, voulant en mettre plein la vue avec un futur MIT*, 7500 étudiants etc... Il ne semble pas avoir eu beaucoup de contacts avec Cuzin [grand vantard lui aussi]. Ne le connaît pas vraiment.
* Deniélou a enseigné au MIT.
Mais là où ça coince pour de bon : ils ne prennent que des équipes constituées, c’est à dire que je devrais me pointer avec une équipe que je n’ai pas. Et même si je l’avais je me vois mal extirper des techniciens du CRP pour venir s’enterrer à Compiègne avec un contrat à la mord-moi-le-noeud, alors qu’il y a tant d’avantages à la SNPA et à Pau. Le connard n’a même pas évoqué l’idée que je puisse constituer une équipe sur place. Sa proposition n’était qu’une fin de non recevoir.
Et une conclusion que je ne comprends plus, si je l’ai jamais comprise :
« Colcombet, Inchauspé, très bien, jusqu’à leur mise à la retraite. » ( ?)
Des milliers de km à faire pour entendre ça, voilà qui défrise et encourage à rester chômeur et à larguer tout ce qui concerne la recherche.
Mercredi 25 Avril 1973 - 1ère étape vers Compiègne
Départ à 14h45 en direction de Bordeaux. Enorme bouchon à St André de Cubzac. Arrêt près d’une vanne à gaz SNGSO, dans les champs. Heureusement. Révision voiture.
Jeudi 26 Avril 1973 - 2de étape vers Compiègne.
Réveil à 3h15 et route route route. Brouillard. Poitiers, Tour et pause dans les champs remplis de silex. J’en ramasse quelques-uns. Chartres à 11h15. Visite rapide de la Cathédrale, occupée par un enterrement. A 14h10 Compiègne. Préparatifs pour le rendez-vous de 15h10. Entre temps Deniélou avait déplacé le RV à 15h. Impression générale déprimante : voir l’intro. 1000 km de route (pas d’auto-route à l’époque) à bride abattue pour ça, merci. L’ancien militaire Denielou méprise les civils. Exemple de technologie intelligente selon lui : au lieu de perdre son temps à ramasser les cerises à la main il serait beaucoup plus efficace de branler l’arbre avec une machine pour les faire tomber. Comme respect des arbres on fait mieux, et comme technologie aussi.
Le soir nous couchons dans la forêt de Clermont (extension de la forêt de Compiègne).
Vendredi 27 Avril 1973 - 3ème jour : début du tourisme par Beauvais et Gisors.
Bulle tranquille le matin dans la forêt. Il fait bon. Un peu de mécanique, contrôle de la 403. Puis visite de la splendide cathédrale de Beauvais. Photos. Nous faisons les courses à Gisors. Nous visitons en passant une carrière de craie, riche en silex. J’en fais une récolte importante. Nous roulons au milieu d’immenses étendues de cultures de couleur verte, ponctués de temps en temps de bosquets, tout ce qui reste sans doute des grandes forêts de jadis. Au bivouac du soir (où ?), au milieu des champs, j’essaie de m’initier à la taille des silex avec un nucléus, sans grand succès. Les préhistoriques avaient acquis un sacré tour de main. L’endroit est calme. Quelques grenouilles fêtent le printemps. Nous avons parcouru 200 km aujourd’hui.
Samedi 28 Avril 1973 - Mont St Michel
350 km par temps triste, pluie et brumes. Visite de l’impressionnant Mont St Michel, de la cave au grenier, soit des églises romanes massives de la base jusqu’aux cloitres sommitaux. Je n’arrête pas de m’émerveiller. Une population hétéroclite visite le site. Il y a beaucoup d’Anglais, et d’Anglaises vêtues de rose.
Nous poursuivons par Argentan, Aniau (?), Saint-Brieuc. Couchons à Plouha (Côte d’Armor), au milieu d’ajoncs toujours sous la pluie. Tristounet. Au cours de nos pérégrinations avons repéré 4 mariagess et un enterrement (à Le Bessac).
Dimanche 29 Avril 1973 - Tréguier Perros-Guirec et ses blocs géants.
Le ciel s’éclaire ce matin à Plouha. La journée sera un enchantement de lumière, et même de chaleur.
La journée commence avec un pneu crevé. Nous tombons sur une garagiste sympa. A Tréguier je fais des photos de l’église et des vieilles maisons. Atelier de tissage. Les magasins sont ouverts. Quelques courses à un rythme tranquille. La route nous mène ensuite à Perros-Guirec et ses incroyables blocs, énormes, posés dans les champs. Certains sont fantastiques. Photos bien sûr ! ... (?) blanc, rochers roses. Un petit bain de pied. Rencontre d’un petit dolmen et d’un petit menhir, nos premiers depuis que nous sommes en Bretagne.
La journée se termine près de Plouercat, dans l’herbe, au bord de la mer, après une promenade au milieu des grands blocs mystérieux.
Lundi 30 Avril 1973 - Brest, Plougastel, Brennilis - (St Robert, pour mémoire).
La pluie et le vent attaquent pendant la nuit et ne nous quittent plus. Direction Brest avec quelques arrêts de ci de là.
Quelques réflexions en passant :
Soizic
Ce n’est pas Brest qui m’intéressait mais la conquête photographique de François (et plus si affinité) lorsqu’il faisait son service militaire à l’Ile Longue. Il avait réussi de très belles photos et m’en avait offertes certaines. Leur relation a dû être assez forte puisqu’elle lui avait prêté son break Peugeot pour faire le voyage Brest-Pau [était-elle venue ?]. Anne en fait encore une crise d’urticaire en 2021 (il suffit d’en parler à ses filles). François m’avait offert quelques belles photos de Soizic, dans la lignée des bons photographes N&B des années soixante ou antérieures, et dont nous possédions quelques livres fétiches : Née de la Vague (Lucien Clergue), Mademoiselle 1+1, d’auteurs tels que Helmut Newton, Doisneau, Lartigue, Jonvelle, Hamilton etc.
Nous rêvions d’en faire autant, mais où, quand, comment et avec quel modèle ?
François a réussi son coup. car les bonnes conditions se sont trouvées réunies pour lui. L’occasion fait le laron dit le proverbe qui a bien raison. Où : en Bretagne, bien loin de ce Sud-Ouest pudibond et casse-couilles et du contrôle pointilleux d’une femme asphyxiante. Quand : pendant la tranquillité de son service militaire, un an peinard loin de l’asservissement et du regard réprobateur du vampire qui le tient dans ses rets, une vraie toile d’araignée maintenant fixée aux supports inamovibles que sont femme, enfant, domaine et bientôt métier . Ficelé, partiellement anesthésié, pas encore dévoré par la mante religieuse perpétuellement aux aguets, il a des derniers sursauts de liberté. Comment : voilà tout l’art de l’Anfoy. Tel que je le connais il a dû se jeter à l’eau à la vue d’une merveille comme Soizic, aussi belle de visage que de corps. Une sorte de coup de foudre photographique. Flattée, Soizic a accepté de se laisser prendre... en photo par ce jeune et brillant médecin militaire, elle, pauvre serveuse de bar à marins, sans avenir autre que de passer sa vie à servir des cuistres avinés et à subir leurs avances grossières. Et comme je l’ai déjà écrit plus haut elle est allée jusqu’à lui confier sa propre voiture pour qu’il puisse passer un WE avec les siens. Elle devait savoir qu’il était marié, mais peu importe... ainsi sont les femmes.
Et nous vivions une époque - qui allait bientôt se terminer - où nous nous livrions encore une joyeuse et franche compétition, vraiment stimulante. Le fait qu’il m’ait offert des photos de Soizic était sans doute pour lui la fierté de me démontrer qu’il avait enfin dépassé le maître, un pauvre maître qui n’avait même pas réussi à déshabiller aucune de ses nombreuses et charmantes soeurs.
A mon avis il n’aurait pas dû accepter le prêt de la voiture. Il a ainsi entretenu les illusions de la pauvre Soizic, manège cruel dont il n’avait cure ou qu’il n’a pas réalisé. Le côté distancié et dur de François n’avait considéré Soizic que comme un simple modèle, une personne virtuelle en quelque sorte. Dur dur d’être photographe de charme et de ne pas se marier avec tous ses modèles...
Ces conditions magiques n’étant plus jamais réunis, Anfoy renonça à sa carrière de photographe de charme.
Nous garons la voiture presque en face du Café de la Rade où travaille Soizic (Françoise en breton), la copine de François, mais nous nous égarons une fois à pied le long de l’Arsenal. Nous retrouvons enfin le Café de la Rade et y prenons un café. A notre demande à propos de Soizic on nous répond qu’elle est absente aujourd’hui. Dommage. Cette Soizic est un peu comme ma Maya pour moi, beauté lointaine et désormais inaccessible. J’aurais aimé connaître le rêve de François.
Direction Plougastel ensuite et pouvons admirer notre premier vrai menhir. Mais nous cherchons en vain les dolmens. Nous finissons par trouver un beau dolmen libre d’accès près de Brennilis, nommé Ti-ar-Boudiged (la maison des fées) [doc internet] dont la visite est payante aujourd’hui. Ancienne tombe datant de 3000 ans avant notre ère d’après les dernières estimations..
La pluie et le vent continuent de nous accompagner. Nous épiloguons sur les noms étranges qu’on rencontre ici en Bretagne. Pour dormir nous avisons un petit chemin entre deux champs. Tant pis pour nous si les bretons sont matinaux !
Mardi 1er Mai 1973 - Pointe du Raz, alignements de Carnac, Manio et le Grand Menhir.
La nuit a été froide et la matinée reste humide mais le soleil finit par réapparaître et nous réchauffera tout au long de la journée.
Sus à la Pointe du Raz, le point ultime à l’ouest de l’Europe continentale. Damnation ! le parking est payant ! Demi-tour et balade le long des falaises de la côte peuplée de mouettes et d’oiseaux divers, les mêmes que ceux d’Islande, vus deux ans plus tôt. Nous finissons par atteindre la fameuse Pointe que nous visitons tranquillement. Il n’y a personne. Une vision de la Bretagne telle qu’on se l’imagine, sortie d’une image d’Epinal : vent d’Ouest d’enfer, vagues écumantes et grondantes attaquant une côte hostile, de lourds nuages sombres roulant dans les cieux au-dessus de ce paysage d’apocalypse. On ne se voit pas faire trempette dans ce chaudron tumultueux et encore moins y naviguer. Laissons aux elfes ces lieux maudits où tant de marins perdirent la vie. Nous avions rencontré à Chamonix des veuves de guides morts en montagne qui identifiaient leur sort aux veuves de marins bretons...
Nous ne sommes pas mécontents de filer ensuite en voiture vers l’intérieur des terres, à la recherche de dolmens et de menhirs, que je constatais n’être pas si fréquents que ça en Bretagne. Encore une image d’épinal écornée. Mais soyons juste et un peu moins touriste, il y en a plus que partout ailleurs en France. Beaucoup sont dans des propriétés privées, et on peut entrer si l’on paye ou on ne peut pas entrer du tout.
Et puis voilà que nous pouvons enfin admirer une quantité prodigieuse de menhirs, tous alignés comme à la parade : Carnac ! Aussi étrange et mystérieux que Stonehenge (-2800 à -1100 âge du bronze avant notre ère) ces alignements (entre 4000 et 3000 avant notre ère) sont stupéfiants. Comment les menhirs ont-ils été transportés ? Le Grand Menhir est estimé à 220 tonnes. En combien de temps ? On se perd en conjectures. Toujours est-il que c’est un plaisir de courir entre ces innombrables cailloux aux formes variées. Ce serait autant des menhirs que des stèles, paraît-il. Ils avaient vraiment la foi ancrée dans le caillou, les ancêtres, le caillou éternel. Pas un chat à l’horizon pour nous casser l’ambiance, le rêve pour cette visite, la même sérénité qu’en montagne loin des sentiers battus. J’en profite pour grimper sur plusieurs de ces blocs, ô sacrilège ! [Je rassure tout le monde, les blocs n’ont pas bougé, tout est resté en l’état]. Photos.
Nous restons dans la région et dormons dans le quadrilatère de Manio. Le Grand Menhir a veillé sur notre sommeil qui fut aussi profond que préhistorique. Nous bénéficions encore d’un monde qui va rapidement devenir trop vieux, où tout sera interdit et malgré tout piétiné par la multitude.
Mercredi 2 Mai 1973 - Quiberon, Vannes, Poitiers.
Ce matin le soleil nous a abandonnés, le ciel est uniformément gris. Nous allons visiter la presqu’île de Quiberon, lieu de vacances en été mais bien tristounet aujourd’hui. Chantal fait un pélerinage dans son ancienne colonie de vacances où elle passa des vacances plusieurs années de suite [en partie payées par la BNCI (devenue BNP) où travaillait sa mère]. En ce début du mois de mai elle est déserte.
Ce devoir de mémoire accompli nous traçons la route pour nous rapprocher de chez nous. Nous retrouvons le soleil. Progressivement nous quittons la Bretagne, ses genets lumineux jaunes pétard et piquants. Il y a de moins en moins de noms bretons sur les pancartes. Un arrêt à Vannes pour faire des courses. Un autre arrêt à Cholet, à la recherche de ses fameux mouchoirs. Y an avait-il encore, en avons-nous acheté ?
Puis Poitiers. Nous avons traversé la France du colza du mois de Mai, champs jaunes à perte de vue. De longues lignes droites nous mènent à Ussac (près de Confolens en Charente). Nous trouvons un coin tranquille au milieu des champs. A noter que dans ce Poitou nous vîmes des moulins à vent, sans ailes. [remplacées aujourd’hui par des saloperies d’éoliennes - les moulins à vent étaient utiles, les éoliennes nous ruinent et foutent la merde, époque lamentable que la nôtre aujourd’hui, gérée par des financiers voleurs et âpres au gains juteux et des ignorants notoires. Décadence.
Jeudi 3 Mai 1973 - Dordogne, La Madeleine, les bories du Breuil
Durant la nuit un puissant orage chasse ces pensées, mauvaises mais prophétiques. Au matin c’est le soleil qui nous réveille, accompagné du cui cui des oiseaux. Pays charmant, quoique tout plat, d’immenses champs verts chlorophylle sur un paysage apaisé.
Comme toujours lors de ces itinérances lorsque un endroit use de tous ses charmes pour nous retenir, un effort est nécessaire pour lever le camp et s’arracher aux sortilèges émolients d’un lieu déjà adopté. Il faut se forcer à ne pas s’y attacher et il est douloureux de réaliser que nous ne le reverrons jamais. Et pas seulement pour des raisons géographiques, loin de là.
Le voyage se poursuit jusqu’en Dordogne, encore un pays plein de ressources. Les merveilles s’enchaînent. Château des Bories (XV-XVIème), la Roque St Christophe, le Pas du Miroir.
Visite du village troglodyte de la Madeleine, juste au-dessus de la grotte préhistorique du même nom, à l’origine de la lignée des Magdaléniens. Nous tombons sur un guide enthousiasme et bavard, pas forcément expert mais qui nous raconte mille histoires passionnantes. Nous sommes les seuls visiteurs et lorsqu’on voit ce qu’il en est advenu aujourd’hui nous pouvons dire que nous avons eu une chance extraordinaire. Un beau travail de fouilles a été effectué. Le guide y a participé. En visitant le site nous dérangeons une magnifique couleuvre qui se réchaufait au soleil, avec très peu de chances d’être dérangée. Elle doit sans doute s’installer sur son caillou tous les jours à la même heure. Là aussi le monde va rapidement devenir trop vieux, fermé, coûteux, plein d’interdits, anesthésié, chloroformé.
Dans la soirée le guide, décidément très disponible et plein de bonnes idées nous conduit voir quelque chose qui l’a beaucoup frappé, un village gaulois selon lui, les bories du village du Breuil. Les cabanes sont entièrement faites de pierres sèches empilées sans mortier. Tout un petit village harmonieux, seulement habité par les poules. [En fait ces bâtiments à utilité agricole ont été construits assez récemment, XIXème et début XXème - l’art du web de casser les légendes !]. Ces constructions sont néanmoins remarquables et inspirent le respect. C’est du solide !
Vendredi 4 Mai 1973 - Bories, Commarque, Font de Gaume, Rouffignac, Castel Merle
Orage et pluie toute la nuit, mais le temps se lève au matin. Nous commençons la journée en retournant aux bories du Breuil. Au soleil ces constructions de pierre sont magnifiques. Je mitraille. Petite discussion avec le fermier du coin, lui aussi persuadé que ce sont des huttes gauloises - puisqu’on le lui a dit.
Nous nous lançons ensuite à la recherche du château de Commarques qui est un ouvrage qui a enthousiasmé le guide. Il nous a expliqué comment le trouver.
En ce temps-là ce fameux château était perdu au sein d’une forêt dense, donc invisible de loin. Il a fallu crapahuter un moment pour le découvrir. Sorte de château de la belle au bois dormant, il se méritait. Et c’était tant mieux car il nous a réservé une magnifique surprise. Malgré sa décrépitude cette ruine était fantastique. Il devait être abandonné depuis la Révolution et livré aux carriers à cette époque, ses propriétaires guillotinés, les descendants déboutés. Nettoyage par le vide.
Cette procédure serait bien utile de nos jours pour stopper notre décadence actuelle. La guillotine aurait du travail et à cette occasion mériterait d’être modernisée avec un système automatisé style abattoir et possibilité d’un recyclage maximum dans l’optique d’un monde durable dans lequel les toxiques ne pourraient plus se reproduire.
Le château a été bâti sur un promontoire qui abritait déjà dans son soubassement les traces d’un habitat préhistorique, et au-dessus des ruines datant du Moyen-Âge. Ce lieu, comme beaucoup en Dordogne, a une longue histoire.
Nous parcourons tout ce qu’il est possible d’être parcouru dans ce château enchanté, je prends des photos.
Aujourd’hui il est signalé de partout, il a été en partie restauré par Hubert de Commarque ( !) qui l’a racheté en 1972, il y a un parking, des échoppes, c’est payant etc... Il n’a évidemment plus aucun mystère. Le voilà devenu prostitué à la consommation touristique. Quelle chance d’avoir pu visiter le site avant tout ce tralala...
Un bon pique nique sous la chaleur devenue accablante permet de nous remettre de nos émotions archéologiques. Nous filons ensuite admirer les peintures préhistoriques de la grotte de Font de Gaume. Quelques touristes animent le lieu. Nous arrivons trop tard pour visiter celle de Rouffignac.
Nous terminons la journée à Castel Merle et sa cité du Moyen-Âge troglodytique assez curieuse et néanmoins importante (on y trouve ce qui est nommé ici les cluzeaus : grottes creusée par l’homme pour se mettre à l’abri). Nous campons à proximité sur une colline couverte de végétation méditérranéenne. Beaux silex et fossiles.
Samedi 5 Mai 1973 - Musée des Eysies, Rouffignac, retour
Après une excellente nuit sur notre petit « causse » nous allons visiter le musée des Eysies. Me déçoit, pourrait être mieux. Photos.
Nous retournons à Rouffignac. Nous sommes les seuls visiteurs. La caverne est immense. Elle se visite en train. Visite spectaculaire. Belle expo de silex taillés.
Nous prenons ensuite la route du retour. Je note un bref arrêt à une carrière pour récolter des silex. Peu avant Bergerac la voiture déclare forfait et nous plante au bord de la route, genre syndrôme 1966 ! J’avais donc quelque outillage à tout hasard. Au bout d’une heure la panne est réparée. J’avais dû déplacer ou boucher partiellement le pot d’échappement au cours d’une manoeuvre sur le parking de Rouffignac. Ce Rouffignac nous poursuit décidément...
A partir de là le voyage se poursuit sans encombres jusqu’à la maison. Heureux d’être rentrés, mais très heureux de ce voyage inoubliable. Ce qui est oublié par contre c’est ce foutu rendez-vous de Compiègne... Il va falloir continuer à pointer au bureau postal de Buzy. Il y a pire comme situation. Imaginons par exemple que je sois embauché à Compiègne