Marie-Angèle Gaultier de Kerillis.
Angèle Uro, après être passée devant monsieur le Maire.
Elle aurait pu être la Belle Angèle de Paul Gauguin, elle était ma grand-mère noire, ma Mam-goz, mon arrière-grand-mère.
En ce jour de 1904, elle a 19 ans, ne sait pas encore qu'elle aura deux filles, huit petits-enfants et une quinzaine d'arrières-petits-enfants.
Elle a les yeux verts et les cheveux noirs. Dans 60 ans, je serai enchantée par ses yeux couleur d'huître quand elle me racontera des légendes, et fascinée par ses cheveux longs et argentés qui me feront croire qu'elle était une fée.
Elle est très fière de son alliance toute neuve. Moi, je ne l'ai connue qu'usée et entourée de bouts de laine de couleur pour ne pas qu'elle glisse sur son doigt amaigri.
Elle n'a pas été une grand-mère qui tricotait ou faisait les confitures, elle marchait. Tous les jours, par tous les temps elle parcourait les chemins de son village du Trégor.
Elle aimait les pastilles à la menthe, les dominos et les jeux de cartes.
Elle a appelé sa fille ainée Rachel, parce qu'elle aimait beaucoup la dame de carreaux qui porte ce prénom.
L'après-midi, elle buvait de l'eau chaude sucrée. A l'église, elle restait près de la porte pour ne pas déranger.
Elle ne voyait que le joli côté des choses. Elle m'a appris à aimer la vie et à rêver.