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Jean M. Ollivier | all galleries >> Galleries >> Fifties > Arête de Costerillou au Balaitous
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6 juillet 1975 JMO

Arête de Costerillou au Balaitous

Pyrenees

Les arêtes du Balaïtous en hiver (27 mars 1957)
André Armengaud

La saison (1957) commence bien : en février, solitaire à l'arête Creguena (Gregonio), avec retour à Garin le soir. Nombreuses sorties en ski. En mars, solitaire au Béciberi - Comolo Forno, retour dans mon vieux presbytère. Escalade avec F. Comet des Eristé. Quelques broutilles à Espingo et courses en ski pour faire tomber le ventre. Amaigrissement général. La bête est prête pour le grand cirque. Reste la préparation de l'esprit pour le problème des trois arêtes.
Je les ai déjà parcourues en plusieurs tronçons avec des compagnons différents, durant l'hiver 53. Jean Ravier y a bivouaqué, début mars de cette année. J'en arrive à la conclusion que l'on doit pouvoir les gravir sans bivouac, mais à la condition d'être seul et de marcher très rapidement.
Donc c'est ainsi que le 27 mars, je quitte l'hôtel d'Arrens vers une heure du matin. La voiture gagne vite le terminus de la route au-dessus du Plan d'Aste. Je monte dans la nuit claire en sifflotant une chanson. La neige est atteinte un peu avant l'Arribit. Elle porte bien et je dois ralentir beaucoup sinon à ce régime j'arriverai à l'arête nord occidentale trois heures avant le jour.
Je dois quand même attendre durant de longs instants la venue de la clarté diurne et je suis en train de me transformer en glaçon lorsque je commence à distinguer les nervures rocheuses. J'attaque immédiatement et l'escalade s'effectue sans histoire. Très rapidement l'aiguille Lamathe est traversée, le rocher étant presque à sec. Je monte vers la lumière, vers la joie. Glace vers la plaque Fauchey, cassée au marteau-piolet. Les difficultés se situent ensuite dans le II-III inférieur ; cela ne pose pas de problème particulier.
Un peu de neige profonde et je ralentis l'allure dans le soleil levant qui m'atteint un peu avant le sommet du Balaïtous. Le paysage est saisissant en ce matin de début de printemps (pardon d'hiver, sinon ça ne compterait pas dans ma liste « d'hivernales »)-
II est surtout très curieux de se trouver seul sur un sommet isolé à une heure assez matinale. La lumière encore rasante allonge les ombres des cimes innombrables qui resplendissent à l'Est et à l'Ouest.
Un bon coup de gourde et j'attaque le deuxième morceau de la symphonie en solo. La seule note discordante est la Tour gravie dans l'ombre froide avec, de-ci de-là du verglas. Dur morceau. Un peu essoufflé, je pose négligemment un rappel pour la descente et arrache quelques pitons au passage - une sorte de quête-récupération.
Rien à signaler ensuite ; neige, rochers et neige. Marches profondes. Brèches et aiguilles. La brèche la plus profonde. Je descends un peu pour contourner la remontée suivante.
Grosse émotion lors d'une glissade dans un couloir. Le décor n'a pas englouti la pièce. Il est un peu plus de midi lorsque j'attaque la dernière figure : la crête du Diable.
Mes souvenirs sont maintenant un peu flous. Petit rappel non loin du début. Brèches et dents se succèdent et la fatigue apparaît à la longue. Il faut s'accrocher sérieusement car les difficultés sont assez soutenues : cornes, tridents… canine.
Je m'arrête un instant sur une dalle bien plate pour admirer encore toute la splendeur du soir. Tout s'est déroulé comme une féerie bien orchestrée. Les ombres s'allongent en sens inverse du matin tandis que des nuages éblouissants s'avancent à la rencontre du soleil.
Je plonge vers la vallée dans une soupe très épaisse, Souvent cela ressemble à de la reptation. Enfin un ruisseau pour étancher une soif dévorante car le dernier coup de gourde est déjà fort loin.
Encore de la soupe dans des replats interminables. Mais bientôt l'eau court de toutes parts sur des pelouses tandis qu'apparaissent les premières anémones, humbles filles du printemps qui monte à l'assaut de la montagne. .
La lumière diminue brusquement lorsque je pénètre dans la forêt. Je retrouve la voiture qui attendait sagement au dernier lacet de la route. Un dernier coup d'œil pour admirer quelques flèches enflammées par les derniers rayons. Les sommets se colorent de rouge qui se dégrade peu à peu.
Je repasse à l'hôtel où ma mère m'attend, assez anxieuse. Comme il y avait eu pas mal de chahut la veille, je décide d'aller regagner mon lit de Garin après une légère collation.
Et ces longs kilomètres de voiture et de nuit complètent une journée bien remplie.

Dans Altitude n°28, nov 1958


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