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Jean M. Ollivier | all galleries >> Galleries >> Coups de Gueule > Le crépuscule de Lacq
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08-NOV-2005 JMO

Le crépuscule de Lacq

Le crépuscule de Lacq

Si d’aucuns croient que les civilisations des cueilleurs-chasseurs sont depuis longtemps révolues, ils se trompent.
L’homo sapiens technologique ne fait aucune économie et ramasse tout ce qu’il trouve. Il n’y a qu’à voir avec quelle voracité, tel un glouton, il s’est jeté sur la manne énergétique que représentait ce gisement, unique en France. Il l’a exécuté en cinquante ans, et les cheminées orgueilleuses des «tranches» qui servaient à l’épurer tombent les unes après les autres. Un million de m3/jour en 1957, 10 millions en 1959, 22 millions en 1961, 30 millions en 1969, etc…
Une grande partie de ce gaz a été transformée en électricité dans une centrale thermique construite à Artix, électricité destinée aux bacs d’électrolyse de l’usine géante d’aluminium installée pour cette raison à Noguères. La plus grande d’Europe au moment de sa construction. Une mine dérivée en quelque sorte puisque le minerai d’aluminium (la bauxite) était transformé en barre de métal aluminium réexpédié de par le monde.
Une perspective future d’utilisation de ce gisement maintenant quasiment vidé est sa transformation en gigantesque poubelle à gaz à effet de serre (on appelle ça la séquestration). Beau cadeau pour les béarnais d’aujourd’hui et les générations futures. Et là on est bien dans le volet «poubelleux».

Sous des dehors clinquants et une autosatisfaction permanente, renforcée par des certitudes aussi inébranlables que vaniteuses, notre civilisation scientifique et technologique toute puissante et immodeste ne se rend même plus compte qu’elle ne doit son essor qu’à ses talents de chasseur-cueilleur. Cela on l’apprend dès les petites classes de géographies qui recensent les ressources exploitables des pays étudiés, ressources évidemment destinées exclusivement au genre humain. Ainsi,
dès l’enfance le petit d’homme par l’enseignement qu’il reçoit, et éventuellement la religion qu’on lui fait pratiquer est imprégné de cette fausse vérité : le genre humain est une espèce élue, unique, à laquelle tout est dû. De là à se sentir dans un monde à part de la nature ambiante il n’y a même pas un pas.
Donc l’homo sapiens suit sa triviale destinée de grand inventeur, explorateur, exploiteur et poubelleux, en même temps que son cerveau surdéveloppé lui ouvre les clés du beau, du bien des arts et de la connaissance absolue. Curieux mélange qui pousse à croire qu’une grande idée apparemment gratuite est fille d’un désastre permanent et que l’un ne peut aller sans l’autre.
Pour faire vivre ses grandes idées et sa technologie, pour assurer son confort, l’homo sapiens puise sans vergogne ni souci du lendemain dans le berceau qui lui a donné naissance. Oui c’est certain, l’homo sapiens a une grande conscience sociale, tellement grande qu’elle occulte les consciences individuelles. Chacun sait bien au fond de lui-même que rien n’est permanent, que n’importe quelle ressource est limitée, que l’humanité ne pourra pas s’accroître indéfiniment. Mais le groupe se comporte comme si ces réalités n’existaient pas : croissance, croissance, croissance. La terre est alors livrée à sa cupidité et aux moyens démesurés qu’il a su se forger.
L’histoire de Lacq est à ce titre exemplaire et point différente du sort de bien des ressources minérales végétales et animales jugées utiles et exploitées par l’homme. On ramasse jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. Dans le cas des ressources minières c’est programmé. L’idée étant que, lorsque c’est épuisé ici, on ira en chercher là-bas, et s’il n’y en a pas là-bas on est sûr qu’on en trouvera toujours quelque part… jusqu’à quand ?


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