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Jean M. Ollivier | all galleries >> Fifties >> Paulette Couralet alias Popo (1923-2004) > Passage d'Orteig en 1961 : JP Leire, Marie-Christiane Bornard (Maïky), Christine Ollivier, Paulette Couralet, Robert Ollivier
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27 Août 1961 jmo

Passage d'Orteig en 1961 : JP Leire, Marie-Christiane Bornard (Maïky), Christine Ollivier, Paulette Couralet, Robert Ollivier

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Notre Passage d’Orteig ou le sortilège des fourmis

«Alors c’est bien compris : Caillou de Soques, et la
vallée qui monte juste au-dessus. Au niveau du col ne
vous trompez pas de passage, allez au passage d’Orteig.
Tu t’en souviens, Jean ? interroge mon père – Euh, oui bien sûr !».
En fait le souvenir devait déjà dater d’une dizaine
d’année auparavant, je devais avoir sept ou huit ans… une éternité.
Rendez-vous avait donc été pris et nous devions nous retrouver
au refuge d’Arrémoulit, le 27 août 1961, à 9 heures du matin,
pour aller grimper le Piton Von Martin au Palas.
N’aimant pas les refuges, j’avais promis à mon père, ma sœur
Christine et des amis de les rejoindre ce matin-là, en partant
de Pau. Mon ami Jean-Pierre pouvait disposer ce jour-là de la
2CV de service de l’hôtel de son père. Une aubaine, à une époque
où plus d’une aventure alpestre était au bout d’une rude randonnée en vélo.

Quatre heures pile du matin, départ de Pau. A six heures nous démarrons du Caillou de Soques, sur la route du Pourtalet. Le jour commence à poindre. Le ciel est encore rempli d’étoiles. L’air est frais et tonique. Nous attaquons la vallée juste au-dessus, comme convenu. Un sentier nous y invite d’ailleurs (il a disparu aujourd’hui, on ne le retrouve que plus haut), et nous voilà remontant gaillardement ce que nous pensons être, en toute bonne foi, le Val d’Arrius. Les sacs sont relativement lourds étant donné que c’est nous qui amenons le matériel d’escalade pour le Piton. Nous dépassons rapidement la forêt et débouchons dans les alpages supérieurs. Là, le sentier assez bon jusqu’alors se perd. Je n’y prête pas trop attention, et préfère admirer l’Ossau qui jaillit à l’Ouest de tout son élan.
L’on monte. Raide. D’un pas cadencé et décidé. Déjà Jean-Pierre traîne et prend du retard. Je veux être à l’heure et maintiens le rythme. S’en suit de mornes pentes de pierrailles glissantes et instables qui semblent interminables. Il faut effectuer de grandes traversées déprimantes à flanc sur un versant déversé garni de pierres instables, entrecoupées de raidillons qui coupent le souffle. Un doute insidieux s’installe en moi, les belles certitudes vacillent. Le pays dans lequel nous nous enfonçons me semble étrange, plus qu’étranger. L’impression de traverser lentement un miroir et de changer de monde. Les repères familiers n’existent plus (cairn, sentier..). Nous nous refusons d’écouter la petite voix sensée qui murmure de plus en plus fort que nous ne sommes pas au bon endroit car quelque chose en nous ne veut pas y croire. Dilemme classique. Le sentiment de rêve éveillé s’accentue. Quoi ? C’est cela le chemin facile qui mène au refuge d’Arrémoulit, et relativement fréquenté ? Vite dit, le chemin, car il n’y a pas la moindre sente si ce n’est de vagues pistes à mouton qui de temps en temps traversent les pentes, puis se perdent. Pas âme qui vive. La boussole indique que nous sommes allés trop au sud. Le terrain ne correspond vraiment pas à la description du guide (Ollivier !!) que nous avions consulté d’un œil distrait. Pour mettre cap à l’Est, nous visons un collet étroit auquel on accède par un infâme pierrier de pierres fines fuyantes qui rendent la progression très pénible. J’ai le faible espoir (on ne sait jamais, restons optimistes) que ce soit le fameux passage d’Orteig. Nous sommes à peu près dans les temps pour le rendez-vous, il n’est pas encore huit heures. Las ! La brèche ne donne sur rien, ou plutôt un couloir très raide et au loin des vallées espagnoles et des montagnes inconnues de nous. Je refuse de croire que nous soyons perdus. Mais je suis maintenant convaincu que nous ne sommes pas sur le chemin «normal» du refuge d’Arrémoulit. Peu importe. Je pense que la crête qui s’élève au nord de la brèche que nous venons d’atteindre doit nous amener sans coup férir en vue de ce refuge, vers lequel il nous suffira de nous laisser descendre paisiblement. A nous le petit déjeuner chaud et nous nous imaginons déjà tirer tous ces fainéants de leurs plumes !
La montagne se révèle toute autre et nous ramène tout de suite à une rude réalité.
L’on suit donc la crête, qui débute par un sérieux « coup de cul ». Jean-Pierre, avec son mètre quatre vingt quinze, ses presque 100 kg et les mille mètres que nous venons de gravir peine et s’attarde, l’heure avance, inexorablement. Et le soleil commence à chauffer. Il me propose de le laisser monter à son rythme et de m’avancer seul. Dans ce terrain dangereux où seuls les isards sont à l’aise, ce serait pour moi une trop grosse responsabilité. De toutes façons mon père m’avait inculqué le principe qu’en montagne, comme en toute situation périlleuse, on doit toujours rester ensemble. Et ce principe je m’y conformais naturellement.
Cette crête me paraît longue et ne pas aller dans la bonne direction (en fait on navigue sur le pic de Sobe). «Nous en avons marre de suivre cette crête interminable qui se poursuit interminablement vers ce que je devine maintenant être le Val d’Arrius» écrivais-je à l’époque. Oui, le val d’Arrius, le val raté ! Mais où donc se cache le lac (d’Artouste, ou d’Arrémoulit) ? Après moult hésitations je décide de descendre au fond d’un immense vallon pierreux qui s’étale à nos pieds, en prenant comme repère une petite brèche à l’est, pensant naïvement et en toute innocence que celle-ci débouchera enfin sur le fameux passage d’Orteig. C’était d’ailleurs un leit-motiv, répété maintes fois par chacun de nous au cours de la randonnée. On l’aura !
Mais il est déjà 10 heures du matin. Au loin nous apercevons le Palas (nous avions presque oublié que c’était le but de cette sortie, obnubilés que nous étions par ce satané passage d’Orteig qui se dérobe avec constance à toutes nos investigations. Il nous paraît bien insignifiant, tout petit. Mauvais signe. Signe que nous nous sommes vraiment perdus, signe qu’il faudra du temps pour l’atteindre.
La descente dans le vallon s’avère scabreuse. Il faut sortir la corde. Jean-Pierre, moins expérimenté, descend le premier, solidement assuré. Il fait ainsi soixante mètres, récupère la corde et m’attend. Je descends donc en solo sur une espèce de vire herbeuse très raide et glissante, en mauvais rocher, entourée d’à-pic vertigineux de tous côtés. Je me fais vieux sur ce passage. Je décide de poursuivre la descente en rappel pour atteindre le pied de la face. Comme randonnée facile pour randonneurs pédestres, sûr, on fait mieux ! Un bon becquet providentiellement placé nous fait gagner du temps (doux euphémisme). Le rappel nous dépose au sommet d’un névé très dur et très raide. Sans crampons, nous sommes obligés de le contourner afin de prendre pied dans ce qui se révèle être un gigantesque pierrier (du moins nous parut-il ainsi à l’époque). Et nous y voilà ! Nous allons être obligés de le parcourir sur toute sa longueur pour parvenir à la nouvelle-brèche-qui-conduit-à-coup-sûr-au-passage-d’Orteig.
Et nous voilà transformés en petites fourmis laborieuses, encombrées d’un gros sac, montant, descendant, contournant les obstacles semés à profusion. Ici la montagne est en miettes. Cette petite expédition nous demande une heure et demi. Les jambes sont raides et nous sommes assoiffés, annihilés par cette horrible caillasse. Merveilleuses Pyrénées, capables du meilleur comme du pire. La vie subsiste néanmoins en cet endroit lugubre et aride : un petit serpent s’enfuit à toute allure à notre approche et plonge dans un trou. De toute sa vie, combien d’humains sont-ils venus le déranger ?
Récompense de tous ces efforts, le Palas paraît nettement plus «gaillard» depuis la brèche que nous venons d’atteindre. Le moral remonte et nous entretenons toujours l’espoir d’y grimper une petite voie, afin d’être payés de nos efforts obstinés dans les innombrables chausse-trappes émaillant ces pierriers. Incorrigibles optimistes !
Il est presque midi, et nous commençons à éprouver comme du remords vis à vis de ceux qui ne doivent plus nous attendre. Mais au point où nous en sommes, la priorité pour nous est de sortir de ce monde chaotique qui semble se refermer toujours un peu plus sur nous. Cette drôle d’impression des distances qui s’allongent, la concrétisation de la relativité selon mon autre ami Hervé : plus on va moins vite et moins on va plus vite. Nous sommes en train de vérifier cette loi implacable, au grand dam de nos mollets. Ceux de Jean-Pierre commencent à crier sérieusement grâce, les miens vont un peu mieux, mais ils ont déjà enregistré et comptabilisé les milliers des pas parcourus dans cet univers incertain.
De notre brèche nous apercevons au loin une bosse anodine, derrière laquelle, pensons-nous, nous allons trouver le lac et le refuge. Entre la brèche que nous venons d’atteindre, où nous nous accordons cinq minutes de repos, et la bosse aperçue au loin, un ressaut masque l’itinéraire que nous pourrions emprunter. Qu’à cela ne tienne, regonflés à bloc dans la perspective de toucher enfin au but, nous fonçons le plus vite possible malgré le poids des sacs qui semble augmenter au fil des heures.
Las ! Le ressaut franchi nous livre un autre immense pierrier, coupé de quelques névés. Incrédules nous nous retournons afin de vérifier que nous n’avons pas tourné en rond ! Mais non, il y a un pierrier derrière et un pierrier devant. Nous sommes au milieu. Oui nous avons tout à fait l’impression d’être définitivement devenus de petites fourmis à l’assaut d’un grand tas de sable. Mauvaise idée car on sait les fourmis beaucoup plus agiles et rapides que nous – à échelle équivalente bien sûr !
Oubliant les affres du précédent pierrier, nous redoublons néanmoins d’énergie pour franchir ce que nous croyons être le dernier obstacle. Caillasse mouvante, blocs instables, tout pour se tordre les chevilles et tétaniser les cuisses. Le temps file comme le sable entre les doigts et nos ambitions sont à la baisse : atteindre au moins le refuge serait déjà un succès. Adios escalade ! Nous sommes en train de nous faire une raison. Raison renforcée par la longueur du pierrier. Au moment où nous atteignons le fond du vallon nous apercevons à l’est deux silhouettes humaines qui se découpent sur la crête que nous comptons atteindre. Comme les marins à l’issue d’une longue traversée qui se réjouissent de la vue des premiers oiseaux synonymes de terre, nous sentons le but proche. L’ami Jean-Pierre se met à hurler comme un âne pour attirer l’attention des silhouettes et bénéficier de quelques renseignements sur notre position. Un hurlement lointain fait écho aux beuglements de Jean-Pierre. Il est impossible de communiquer de façon intelligible. J’ai cru reconnaître, dans un instant de brève hallucination causée par une certaine mauvaise conscience, et peut-être aussi par une certaine fatigue, la voix paternelle. Crainte et espoir se mêlent en nous, car nous sommes tout à fait certains maintenant que le refuge est à portée de la main, juste caché par un dernier repli de la montagne. Cette perspective nous aide à remonter le énième ressaut de la journée, dans un terrain raide «sablonneux, malaisé». Nous arrivons en haut la langue pendante – il ne nous reste plus rien à boire – aucun ruisseau dans ces déserts de pierre. Où sommes-nous ? Il n’y a personne. En contrebas, un grand lac sans refuge à proximité, au loin une autre crête, au N-E un lac immense. La Palas est toujours là, encore plus majestueux, sorte de cairn géant qui nous soutient dans notre course erratique. Que serions-nous devenus par temps de brouillard ? Nous estimons que nous sommes en vue des lacs d’Arrius et d’Artouste. Nous supposons qu’à l’est, encore plus loin, serpente enfin le passage d’Orteig. Nous ne voulons pas être venus pour rien !
Il nous semble deviner effectivement un passage, mais pour y parvenir il faut accepter une fois de plus de descendre des pentes escarpées dans un terrain malcommode, traverser névés et nouvelles caillasses, encore de la caillasse. Ces montagnes sont des ruines et nous les injurions, et les vouons aux gémonies. Petites Pyrénées et grandes caillasses hurlons-nous à tous les échos, assez nombreux faut-il le dire en ces endroits. Mais ça ne fait même pas rire les choucas.
Et une fois de plus remonter une nouvelle pente. La lassitude gagne, la pesanteur aussi : nous avons envie de nous laisser glisser dans la vallée voisine pour rejoindre enfin la terre des hommes. Mais à toutes nos déconvenues nous ne voulons pas ajouter celle d’une fuite indigne. Nous avons dit le refuge, et ce sera le refuge !
Arrivés sur cette nouvelle éminence nous découvrons de nouveaux lacs et notre estime pour les Pyrénées remonte un peu. Le Palas devient flamboyant. Mais il nous paraît bien narquois, dominateur même. Nous éprouvons cette impression bizarre d’avoir continuellement rapetissé au cours de notre pérégrination. Fourmis. Le Palas, lui, n’aurait pas changé, et, l’effet de perspective aidant tout semble se passer comme si nous étions obligés de marcher indéfiniment pour toujours nous en approcher mais sans jamais l’atteindre. N’en est-il pas ainsi des grandes vérités, de ces mystère insondables qui hantent l’esprit de l’homme depuis la nuit des temps ?
Nous sommes encore contraints de descendre et le terrain s’avère infect et passablement dangereux. Mais nous sommes persuadés d’avoir enfin franchi ce fameux passage d’Orteig. Rien cependant n’avait éveillé le moindre souvenir en moi. J’attribuais cela aux nombreuses années qui me séparaient de la première visite, à un âge où l’itinéraire importe peu et où l’on suit le guide sans se poser de questions.
Nous apercevons bientôt le refuge, le refuge d’Arrémoulit. L’après-midi est bien entamé, il est autour de seize heures, pas tellement tard en fait pensons-nous naïvement, nous les piégés des convulsions de la montagne, les égarés des petits cailloux qui avaient malgré tout échappé aux pièges multiples qui auraient pu envoyer ces humaines fourmis au diable vauvert. Mais nous étions arrivés et nous éprouvions malgré tout une sorte de satisfaction rentrée.
Il y a foule autour du refuge, et après ces grands espaces de solitude nous n’avons pas envie de nous mêler à tous ces gens venus par le bon chemin et sans doute par le bon passage d’Orteig. C’est trop banal. Et puis que raconter, quels mots employer pour dire d’où nous venions, temporaires mutants rescapés des caillasses infernales…
Nous nous installons sur les grandes dalles de granit rose tiédies par le soleil, au bord du lac et savourons l’instant en méditant des pensées que Ionesco, à propos de la solitude, gravera dans le marbre douze ans plus tard :
"C'est quand je me sens seul, cosmiquement seul, comme si j'étais mon
propre créateur, mon propre dieu, le maître des apparitions, c'est à ce
moment que je me sens hors de danger. D'habitude on n'est pas seul dans
la solitude. On emporte le reste avec soi. On est isolé, l'isolement
n'est pas la solitude absolue, qui est cosmique, l'autre solitude, la
petite solitude, n'est que sociale. Dans la solitude absolue il n'y a
plus rien d'autre. Ce sont les souvenirs, les images, les présences des
autres qui vous torturent. Qui vous ennuient. Il y a une solitude
ennuyeuse et insupportable, c'est celle où l'on se réfère aux autres, où
on les appelle, où l'on a besoin d'eux, où on les fuit parce que l'on
croit à leur existence. C'est des autres que l'on a peur, alors on se
précipite vers eux comme pour les désarmer." (Le Solitaire)

Epilogue : le soir, en rentrant avec le guide, nous le voyons enfin le passage de ce fameux Orteig, et c’est vrai, malgré toutes les années passées, je reconnais l’endroit et une foule de souvenirs associés à la première visite me reviennent à l’esprit. Je me souviens qu’il pleuvait et que l’on m’avait recommandé de faire bien attention…


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Antonio Minardi 18-Oct-2007 19:48
La vie est belle à Carcassonne www.domaine-de-poulharies.com la-vie-est-belle@domaine-de-poulharies.com 0642 345175 J'ai reçu de Jean Pierre Leire une demande pour réserver un gite pour un group de sportif du 1er au 4 Novembre, mais la ligne est tombé et je n'ai pas son numero.Il m'a envoyé une autre demande avec pour les vacances mais il n'as pas mis son email ou telephone.
Pouvez vous SVP le contacter
Merci