photo sharing and upload picture albums photo forums search pictures popular photos photography help login
Jean M. Ollivier | all galleries >> Galleries >> austudiojmo > 11/01 au 28/03 1963 Courrier de Marie et Catherine depuis Pampelune
previous | next
jmo

11/01 au 28/03 1963 Courrier de Marie et Catherine depuis Pampelune

Photo : Marie bouquine un San Antonio


Courrier de Marie (19 ans) et Catherine Fougère (17 ans) depuis Pampelune en 1963
Retour à Pampelune après les vacances de Noël passées au Foufouland.
Retour difficile pour les deux sœurs qui doivent tenir jusqu’au mois de Mai.

11 Janvier 1963 – Lettre de Marie
Pamplona 11.1.63
Cher Jean,

« Le monde est une pirogue qui, tournant et tournant, ne sait plus
si le vent voulait rire ou pleurer ». S.J. Perse.
Moi je me demande aussi ce que je fais ici, pourquoi suis-je là dans
cette chambre toute grise sous ce ciel tout gris.
Ce matin on a eu tant de mal à y croire. Il me semblait qu’à tout
moment j’allais rouvrir les yeux, que je retrouverais mes murs bleus
et qu’Odile viendrait sauter sur mon lit en m’annonçant qu’il fallait
descendre, qu’elle me parlerait du bruit des petites cuillères dans
les bols et que d’un moment à l’autre on entendrait maman crier d’en-bas :
les filles au travail…
Mais trève de rêveries, car
finalement ce n’est jamais très bon.
Au travail… oui nous nous sommes remises au travail. Une religieuse
a dit à Catherine : « Déjà là ! Je ne vous attendais que lundi. »
On le saura pour une autre fois. Rien de très nouveau ici, à part
quelques changements de salle. Notre chambre ? Toujours la même quoique
nous ayons eu la « douleur » de perdre nos petites tables et nos petites
chaises ! Celles que nous avons maintenant sont assez curieuses, très
vieilles avec des fleurs, des … ; elles sot aussi petites, mais la table
(une longue table à tiroir) est grande ce qui fait que ce n’est pas tellement
commode pour écrire. Avec notre chambre nous avons retrouvé le froid,
la pluie, le gris.
A Saint Sebastien il faisait très beau et pas mal de monde se baignait –
mais oui ! tu te rends compte… un 10 Janvier pouvoir se baigner. Il faisait
nuit de lune hier soir en arrivant ici. Mère Laura nous a embrassées (!)
et on a eu droit à du coca cola pour dîner. Voilà.
Il y avait déjà deux lettres qui nous attendaient hier au soir, et
maintenant tout va recommencer. Une cloche pour régler nos journées,
6 dimanches à passer ici, et le jeudi 21 est encore si loin.
Je reviens de mon dernier cours. Il est par conséquent 6 heures et
les couloirs étaient noirs, et puis si froids. Comme c’est dur de se
réhabituer à tout cela. Comme c’est difficile à oublier tous ces souvenirs
de joie, de rires, de chaleur, qui se bousculent encore au fond de vous
et qui font simal dès qu’on ose les effleurer.
Demain nous devons sortir pour acheter des timbres. Il faudrait que
les parents puissent venir nous voir le dernier dimanche de Janvier, le 27.
Mais c’est mal, je radote, je m’apitoie – Alors je m’en vais et puis
quand je serai devenue plus calme, plus sage, je reprendrai ma lettre. Na.

Samedi matin 12.1.63
Bonjour,
Hier nous avons recollé les photos sur le mur et ce matin vous êtes
tous de nouveau là bien sages qui allez nous sourire encore pendant 42
jours. C’est reposant.
Ce matin j’ai dû me lever très tôt ! 8h1/2, car mère Laura hier au soir
m’avait dit de venir à son cours pour faire faire une dictée de français
à ses élèves, à 9h…
Ce sont des grandes, toutes plus grandes que moi, et c’est horriblement
intimidant. Elle m’a dit de revenir tous les matins… moi ça ne me dit trop
rien… mais enfin.
Aujourd’hui il fait presque du soleil, et nous avons à mettre à la poste
des tas de lettres.
J’ai fini « Le Procès ». Il faut que tu lises ça, ne serait-ce que pour
en parler ensuite. C’est réellement… j’allais écrire drôle mais ce ne doit
surement pas être le mot, mettons alors « cauchemardesque ».
Mes élèves, grandes et petites, passent leur temps à me demander ce que
m’ont donné les « rois mages » et les plus petites m’amènent leurs poupées –
en font des listes terribles, elles doivent surement en rajouter, n’empêche
qu’elles ont ici des poupées adorables, et je ne sais pas si, quand
j’aurai ma guitare, je résisterai longtemps.
Ma guitare… j’ai déjà mis, dans une petite boîte, 300 pts… C’est
toujours un commencement…
Grand-père et maman ont écrit, ils sont toujours bien décidés à venir
nous voir avant les vacances de Pâques. Ça aussi ça coupera bien notre
temps, mais j’ai du mal à les imaginer ici, d’abord ce serait tellement
trop beau et puis… mais non au fait c’est très possible, surtout si
papa peut les amener en 2 CV, car les trains ici ! Tu vois ce que
je veux dire.
Bon, maintenant j’ai une classe, alors je m’arrête. D’ailleurs + vite
cette lettre partira, + vite tu pourras nous répondre…
Donc bonsoir et à bientôt
Marie
Petit papier joint sur lequel Marie a rajouté :

J’allais oublier
Dis…avant de te fermer ta lettre, si tu nous réponds, prends ta flûte
et glisse des tas de jolies notes dans l’enveloppe…
On essaiera de deviner l’air que tu as joué et ça nous rappellera Gelos…

12 Janvier 1963 – Lettre de Catherine.
Samedi 12 janvier 1963
Cher Jean
Et le dernier mot de Marie est « plus vite tu pourras nous répondre »,
elle oublie probablement que notre lettre est une réponse. Mais ça ne
veut pas dire de ne pas écrire.
La moitié de mes élève manque encore et celles qui sont là ne semblent
pas avoir forte envie de travailler ; les vacances de Noël sont encore
trop proches, pour nous aussi d’ailleurs et il vaut mieux pour l’instant
les oublier si l’on ne veut pas perdre complètement un courage déjà par
trop inexistant.
Le soleil est à nouveau caché, il fait gris, il pleut, mais il ne fait
heureusement pas trop froid. Sur ce je me vois dans l’obligation de te
quitter, Marie désirant aller à la poste après le déjeuner, et vu que
la cloche vient de sonner (pour le déjeuner) Bonsoir Catherine.
NB. Et Marie dit encore « Ce ,est pas sérieux » d’après elle il ne fallait
pas laisser cette page blanche. Tu me pardonneras.
Re Bonsoir

19 Janvier 1963 – Lettre de Marie.
Encore deux missives remplies d’amour caché. L’enveloppe, longue, est
ornée d’un adorable pierrot lunaire dessiné par Marie. Marie a joint à ce
courrier un dessin au crayon sur une feuille 6x18, représentant une superbe
Espagnole en robe à frous-frous et deux rébus à résoudre sur le même format
6x18. Adorable. Plus un petit poème écrit en lettres minuscules sur un
papier à cigarette : Solitude du soir à la mode de « Harmonie du soir »
de Charles Baudelaire, que j’avais aussi utilisé pour décrire un pépin
mécanique de Mahaut.

Solitude du soir (Pampelune)

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque élève s’en va et se perd dans le noir
Leurs cris et leurs chansons meurent dans l’air du soir
Mort très solitaire et douloureux vertige.

Chaque élève s’en va et se perd dans le noir
La cloche frémit comme un cœur qu’on afflige
Mort très solitaire et douloureux vertige
La chambre est grise et nue comme un grand désespoir.

La cloche frémit comme un cœur qu’on afflige
Un cœur frêle qui hait cette solitude des soirs
La chambre est triste et nue comme un grand désespoir
La joie s’est noyée et le silence se fige.

Un cœur frêle qui hait cette solitude des soirs
Du passé trop heureux recueille tout vestige
La joie s’est noyée et le silence se fige
Ces souvenirs en moi chantent comme un ostensoir.



Pamplona 19.1.63
Cher Jean
Tu dois avoir la côte chez les Ursulinas car ton enveloppe a toujours
droit à des honneurs spéciaux ! La dernière fois on était venu frapper
spécialement pour elle à notre porte vers 10h du matin. Hier au soir
c’est à 10h1/2 qu’elle nous est arrivée. Heureusement j’étais encore
debout (assise + exactement car je faisais un devoir sur Corneille).
Catherine ?... mais là il faut faire place à Ronsard :
« Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle
Déjà sous le labeur à demi sommeillant
Qui au bruit de « c’est Jean » ne s’aille réveillant
Bénissant votre nom de louanges immortelles. »

Et il est vrai que nous ne nous attendions pas à avoir une lettre si
rapidement. D’ailleurs je crois que les postes, pour une fois, ont fait
des merveilles ! Une lettre partie samedi après-midi est arrivée à Gélos
lundi après-midi ! tu te rends compte ! d’ailleurs il est probable que
la tienne partie le même samedi soit arrivée soit arrivée aussi vite. Mais
je ne vais tout de même pas passer ma lettre à discuter sur les mérites et
non mérites des postes.
J’ai pris du papier pelure… car figure-toi que ta lettre, même avec ses
trois petits coqs, a été surtaxée… de…0,062 francs et les bonnes sœurs ont
dû payer 1,20 Ptas… c’est ce qui s’appelle peser des œufs de mouche dans
des toiles d’araignées. J’espère que notre abeille [sur le timbre espagnol]
à nous suffira.
Mais en tous cas Merci pour ces grandes pages, merci pour toutes ces notes
de flute (voir rébus) qui ont dû te prendre beaucoup de temps.
Moi je n’ai pas de cousin (comme le tien), mais je crois que je vais avoir
des leçons particulières. Oui bien sûr la Mienne ne sera pas vieillie mais
nous la ferons vieillir.
Dis…dans les soirées que donne sa Majesté l’Ossau, tu ne crois pas qu’il
doit y avoir des degrés… il y a bien sûr les invités d’honneur, ceux
que l’on assoit tout près du Maître… mais il y a aussi ceux que l’on a
invités par charité. Ceux qu’on
aime bien à cause de toute l’admiration qu’ils ont pour vous, ceux auxquels
on permet de rester, à condition qu’ils ne fassent pas de bruit, qu’ils ne
gênent pas les Grands… et qui bien sages, se contentent d’ouvrir très grands
les yeux et d’admirer ?
Crois-tu aussi que ce soit tellement un « désaventage » cette non possibilité
d’abandonner… une fois que les hommes auraient abandonné leur marche dans la vie
n’auraient-ils pas ensuite des regrets… quand un enfant refuse d’aller en classe…
ses parents l’y obligent et ils ont raison. Plus tard l’enfant leur en saura
gré… et c’est un peu comme ça pour la vie. L’homme est tellement enfant devant
la vie et elle sait parfois être si bellecette chienne de vie. Ne crois-tu pas
que rien que pour voir un matin l’Ossau enneigé, lumineux, vous faire coucou à
votre fenêtre cela vaudrait déjà la peine de vivre. Et il y a tant de jolies
autres choses ici-bas, même à Pampelune. Et pourtant.
Bon.
Figure-toi que Catherine est au lit, j’espère que ce ne sera pas trop long…
non, pas trop pénible pour elle, car être au lit ce doit être merveilleux.
J’ai été chercher des bonnes sœurs. Elles lui ont tâté le front, fait tire la
langue, lui ont fait boire un verr de sels de …. Et ont promis pour midi
(2h1/2 !) de lui amener quelque chose de bon et de léger. Tu vois comme je
m’occupe bien d’elle. En ce memoent je crois qu’elle dort. Ce qu’elle à ?
elle-même ne sait pas exactement. Pas de fièvre, mais tout tourne autour
d’elle et elle a très mal à la tête. Mais n’aie crainte, elle sera remise
assez vite et pourra t’écrire elle aussi. Nous aussi nous avons eu très très
très froid. Maintenant ça s’est un tout petit peu radouci, mais nous gelons
tout de même encore, claquons des dents… sous ton sourire narquois (d’arudyen
sous l’air mystérieux d’hervé et devant tous les autres.
Nos avons même un petit Ossau estival et les dos de françois, hervé
et Marie-jo. Dis… tu n’aurais pas une photo d’un Ossau enneigé en trop ?
Cela ferait si bien sur notre mur.
Pauvre Mahaut ! il faudra nous raconter ce que vous aurez fait de beau
pour ce weekend, pour la permission d’hervé. Si son sens critique a bien
résisté ? Il en a de la chance de pouvoir revenir comme ça un dimanche.
Non, bien sûr, nous avons beaucoup plus de chance, c’est vrai. Mais vous
imaginer tous si heureux là-bas, chahutant, riant, alors que nous nous
mourons de froid et de solitude ici… c’est dur, mais là encore j’exagère
beaucoup trop, la preuve c’est que nous avons des tas de rayons de joie.
L apreuve. En pleine nuit (…) une lettre de Jean,c’est tout de même merveilleux.
Ça. Mais il faut que je me mette au travail, alors je reprendrai ma lettre plus tard.
…dimanche.
Un très grand soleil ce matin venu nous réveiller et nous consoler sans
doute, car c’est dur de vous savoir là-bas ensemble et de se retrouver si
seules. Nous avons fumé une « Troupe » [cigarette de l’armée] symbolique…
mais notre paquet diminue !
J’ai laissé à Catherine le soin (mais non, c’était un plaisir !) de te
raconter la chorale et ce qu’on pourrait intituler « le bricoleur au couvent…
ses mésaventures ». moi je racontais la même chose aux parents.
Ce soir, c’est à dire à 5 heures nous allons sans doute nous rendre à
leurs invitations et supplications et aller avec le collège au cinéma.
Elles nous ont promis un film très bien, « idéal » disent-elles mais
je ne vois vraiment pas ce que peut venir faire ici l’Idéal. Enfin…
Et puis ce qu’il y a de drôle c’est qu’elles n’ont pas pu nous dire
le titre. Dimanche dernier on leur passait le « Capitan » avec Jean Marais,
et quelques jours avant les vacances de Noël c’était « Le dialogue des
Carmélites ».ça j’aurais bien aimé le revoir.
Mais j’aurais peut-être été déçue, ils ont si bien l’art d’exquiter (sic)
les jolies choses ici. Mais voilà que je redeviens méchante. Il vaut
mieux m’arrêter. Je reviendrai ce soir
9h1/4 et me revoilà.
Oui c’est vrai, j’avais été méchante. Nous avons eu droit à un grand
film « La Ruée vers l’Ouest ». ça te dit quelque chose ? avec Maria Shell.
Sur les pionniers. J’ai été très contente de le voir.
Et nous avons tous très bien compris car Telerama avait donné un long résumé
(dans plusieurs numéros à la suite) avec pas mal de photos.
Oui, bien sûr, il y a eu des coupures – beaucoup de coupures, mais il en
restait tout de même.
Et maintenant…
Maintenant nous allons recommencer à attendre
recommencer à travailler
Oui je sais bien que… il ne nous reste plus que 4 dimanches, que papa
et maman vont sans doute venir…
Et que, bercées par ta flûte, tout sera beaucoup beaucoup plus facile.
Quand (sic) aux rébus.. je ne fais pas l’affront de penser que tu ne
trouveras pas… mais une prochaine lettre sera sans doute la bienvenue…
bon, tu comprends.
Alors je m’arrête définitivement et te dis
à bientôt Marie

19 Janvier 1963 - Lettre de Catherine

Pamplona 19/1/63
Cher Jean
Le mal n’a pas empiré et j’ai encore la force de t’écrire. Nous
venons de passer (moi particulièrement) un samedi des plus pénible ;
Marie vient de me quitter pour aller dîner ; de la caserne proche monte
un air de clairons, pourquoi ? Je songe (association d’idées) à Hervé,
j’espère que Néocide ne trahira pas (son) (vos) espérance(s) et que vous
pourrez tout à la fois admirer et grimper.
Tout à l’heure, je disais après-midi calme ; je reviens sur ce mot
car il me faudrait omettre alors les assez fréquentes visites que nous
avons reçues ; celles des bonnes sœurs s’inquiétant pour ma santé ;
et celle du señor Manuel, l’ouvrier du couvent venu réparer un contrevent
que nous n’arrivions plus à fermer. Celle-là vaut un petit récit ;
il a d’abord amené ici tout son matériel, échelle comprise. Après avoir
vu la raison du non fonctionnement, il nous l’a expliqué en long et en
large. Puis, après avoir fini sa réparation, comme ça n’allait pas encore
très bien il a été quérir de l’huile à la cuisine, et une racine
en guise de pinceau – maintenant ça marche. Puis comme la fenêtre,
elle aussi fermait mal (le bois avait gonflé), il a pris son rabot
et a raboté consciencieusement 3 ou 4 cm, et ça ferme ! Il a encore
une fois vérifié son travail et en tirant un peu brusquement sur le
contrevent a reçu une grêle de petites pierres sur la tête. Il en faut
sans doute plus pour l’effrayer car il est parti avec une mine réjouie.
Voilà pour aujourd’hui.
Vendredi, avant l’arrivée de ta lettre, c’est à dire entre 7h et 8h,
nous avons été voir avec les élèves et les bonnes sœurs un tournoi entre
les chorales des différentes institutions de Pampelune. Nous remplissions
les ¾ du théâtre, et quand ça a été le tour des Ursulines, on ne leur a pas
ménagé les applaudissements ; elles espèrent toutes avoir la coupe ; c’était
assez intéressant, leurs chants étaient jolis. Bon. C’est tout ce que
l’on peut raconter qui sorte un peu de notre ordinaire.
Et maintenant [texte qui fait le tour d’une partie de la feuille] : le plus
beau chant est celui qui contient le plus grand silence – Marie-Noël.
Signé Catherine en minuscule coin gauche en bas de la page, accompagné d’un
minuscule brin d’herbe.

4 Février 1963 – Lettre de Marie et Catherine depuis Pampelune.
Enveloppe longue avec 7 jolis timbres espagnols, avec, au verso : m et c fougère.
Ursulinas 27 navas de Tolosa Pamplona Navarra España.

Une grande page blanche avec, écrit en son centre :
Un ciel gris
Où l’amour s’est noyé
La joie est morte sur la rive

12 Février 1963 – Lettre de Marie
J’ai droit cette fois à une très grande enveloppe (17x22,5) aux armes
des Ursulinas de Pamplona avec une écriture recherchée pour l’adresse
dont une figure dans le O de Ollivier. Le courrier écrit est accompagné
de beaux dessins de Marie sur feuilles volantes accompagnées pour certaines
d’entre elles de citations d’auteurs :
1/- Une jolie blonde à la peau brune et aux bras croisés :
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la feuille morte
Verlaine (Chanson d’Automne)
2/- Une pleureuse en blanc à genoux, un bateau à voile ancien en arrière-plan
Et je restais
Ainsi qu’une
Femme à genoux
A. Rimbaud (Le Bateau Ivre)
3/- Une encre de Chine représentant une grosse tête remplie de signes
cabalistiques. Sans citation.

4/- Une encre de Chine, format timbre poste, représentant des maisons
sur une montagne.

Cher Jean
Nous aussi on a de grandes enveloppes, et même aux armes des Ursulinas !
Aujourd’hui, laissant de côté l’emploi des « phrases » ou des dessins,
je commence une vraie lettre.
Comment pourrais-je en un mot, aussi merveilleux soit-il, mettre tous
ces mercis que nous te devons.
Pour ces Ossau(s), la photo qu’on n’a pas osé coller, est attachée
sur un beau carton rouge, dans le petit coin entre la fenêtre et le mur,
au-dessus de la photo des « maîtres »… l’autre, on la laisse dans sa grande
enveloppe, n’osant même pas la sortir de peur que l’air ne lui soit néfaste.
Merci aussi pour la solution musique. V hier je riais (encadré)…mais maintenant
tu dois avoir compris.
Merci pour le gri-gri de souris. « Le grand ami Jean » a une fois encore
fait admirablement les choses.
Sais-tu quand nous est arrivée ton enveloppe cette fois… à 10h1/2 dimanche
soir. Nous dormions toutes les deux mais ça n’a pas empêché la fille d’entrer.
Remarque que 10h1/2 un dimanche soir… ce n’est pas une heure extraordinaire
pour se coucher ! Surtout quand un film un peu embêtant nous a donné un gros mal de tête.
Ces espagnoles ! Si tu savais le genre de film qu’elles aiment les nielos…oh !
c’est dramatique, du niveau de Claire [Claire a 9 ans] et de sa chère
amie Cathy ! et encore.
Aujourd’hui c’était grande fête au collège, à cause de l’anniversaire du
fondateur des Ursulines, le Père Baudouin. Menu particulièrement choisi
et abondant, cinéma, cris,rires… tout le cortège des fêtes de pensionnaires.
Mais il y avait tout de même quelque chose d’assez extraordinaire : les élèves
de Pré-U (pré-universitaires), environ 12 filles de 16,17,18 ans s’étaient
déguisées en religieuses. Toute la journée ce sont elles qui ont assuré le
service du réfectoire, dans les rangs, etc… et c’était assez curieux de voir
ces toutes jeunes « religieuses » avec des fous-rires, mais parfois aussi
beaucoup de gravité, s’occuper de la chapelle, diriger les prières de la messe,
obtenir le silence au réfectoire…etc… et puis brusquement, s’empêtrant dans leurs
longues jupes, sautant et criant, tandis que de smèches blondes ou brunes
sortaient de dessous les cornettes !
A présent tout est rentré dans l’ordre, les élèves qui aujourd’hui avaient
pour ainsi dire toutes les permissions sont maintenant redevenues des
pensionnaires bien sages.
Nous… un peu fatiguées de tout ce bruit, avec de gros mals (sic) de tête,
sommes toutes les deux occupées à t’écrire.
Quand cette lettre arrivera à Pau tu seras, du moins je vous le souhaite à
françois et à toi, à l’Ossau. Qu’il fasse grand soleil, que la neige soit
brillante sous un ciel très bleu, c’est ce que je vous souhaite. Nous,
de nos bas-fonds pamplonesques, perdues dans le gris et la pluie d’une
triste et froide fin de semaine, comme nous pensons à vous.
Mais tu sais ! nous allons revenir, et ça c’est merveilleux. Jeudi
matin nous prenons un car direction Bayonne (si tout se passe comme nous
le souhaitons), à Bayonne… le premier train pour Pau. Et jeudi 21 après-midi
nous y serons. Mais 8 jours ce peut être encore si long…
Pourtant cette fois-ci tu n’auras pas le temps de nous répondre et en Mars
ce sera à toi !
J’ai maintenant 6 élèves particulières. 300 ptas par semaine.
Ma guitare ? j’aurais pu l’acheter, mais papa et maman ne pouvaient venir.
Il m’aurait fallu la laisser ici pendant les vacances de Carnaval et ç’aurait
été trop triste. Je l’achèterai en Mars et l’aurai pour les vacances de Pâques.
Dimanche à table le transistor d’une fille a joué… « J’entends siffler le
train » [Richard Anthony – disponible aujourd’hui sur Google]… c’était dur et
gai à la fois d’entendre ça bien sûr.
Je m’arrête maintenant, mourant de sommeil, et te dis « à bientôt ». Marie
Petit ajout :
« Il est bien difficile de ne pas se dire qu’il y a, entre soi et le monde,
une espèce de vieux malentendu. Une seconde d’attention et on ne comprend plus
rien ». A. Vialatte (dans une préface pour le Procès de Kafka).

12 Février 1963 – Lettre de Catherine
Pamplona 1/2/63
Cher Jean
Merci pour ta belle réponse, l’Ossau a vite fait de chasser nos noires
pensées ; il nous fait oublier le gris et la pluie qui ne cessent depuis
quelques jours d’embuer le ciel pamplonais.
Aujourd’hui, comme Marie te l’écrit (du moins je le pense) c’était grande
fiesta et les élèves ne se sont pas ménagées, chants et rires ; leur nature
exubérante en profitait à plein. A l’heure qu’il est tout est rentré dans
l’ordre, les pensionnaires ont regagné leur étude ; la solitude pèse un peu.
Mais dans neuf jours nous pensons être à la maison et cet espoir-là donne
un grand courage.
Demain je commence à donner des cours particuliers (de français s’entend),
mes élèves ayant refusé mes services, c’est à une jeune professeur d’Histoire
et Géographie que je vais apprendre notre langue ; elle a certainement plusieurs
années de plus que moi ; ça paraît l’amuser beaucoup de redevenir élève.
J’avoue que ça m’intimide un peu.
Tous nos vœux vous accompagnent pour cette sortie à l’Ossau (proche maintenant ;
et à l’heure où tu recevras notre enveloppe ; touchant à sa fin), un temps
splendide, une belle course, etc… et surtout bonne santé à Néocide si c’est
elle qui vous mène là-haut.
Voilà C’est tout
Bonsoir
et
A bientôt
Catherine

28 Mars 1963 – Le poisson d’Avril de Marie et Catherine.
Cela commence par une enveloppe mystérieuse, assez grande (15,5x19) et
dont l’adresse est composée à l’aide de caractères découpés dans les journaux
et occupe tout l’espace. A l’intérieur 5 enveloppes emboitées genre poupées
russes jusqu’à une minuscule enveloppe contenant… un petit poisson rouge !
Sans commentaires ajoutés.

23 Mai 1963 – Mini carte style carte de visite, bleue, envoyée par Marie et Catherine
M… , c’est trivial (ya des jeunes filles !)
Bonne chance, c’est banal
Amuse toi bien, ça sonne Mal
Pensons à toi, c’est Normal.
Réussir, ça te serait Fatal
Alors pour point Final

Tu vois très bien ce qu’il faut dire… n’est-ce pas

Fin du courrier 1963 de Marie et Catherine depuis Pampelune.


other sizes: small medium large original auto
comment | share