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Jean M. Ollivier | all galleries >> Climbing in Sixties >> Septembre 1960 à l'Ossau > JP déguste une choucroute
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30 sept 1960 JMO

JP déguste une choucroute

Refuge de Pombie - Ossau

La nuit et ses misères n'en finissent pas. De noires, les pensées deviennent défaitistes. Le vague sentiment de ne plus appartenir au monde que nous connaissons, d'être livrés aux éléments sans espoir de retour. Remplis de doute sur notre capacité à continuer l'escalade demain matin, si nous parvenons jusque là, si nous ne sommes pas gelés. Le temps semble figé par le froid. Rien ne nous indique qu'il s'écoule. D'où l'intérêt d'une horloge qui permet de gérer les instants. Mais si nous avions eu nos montres auraient-elles résisté à toute cette eau ? (les montres étanches étaient rares à l'époque).

NB. Je ne me souviens plus de ce qu'il est advenu à JP mais en ce qui me concerne j'ai perdu la sensibilité des pieds et des mains pendant des semaines et leur peau est devenue toute noire. Nous n'étions pas loin de vraies gelures profondes ! De ma vie je n'ai eu aussi froid.

Pendant qu'un fin grésil crépite sur le capuchon de l'anorak, j'entr'aperçois, ô divine surprise, une pâle lueur qui éclaire le brouillard qui nous entoure. Le jour est revenu ! Et pour une fois nous nous serons réveillés de bonne heure ! Le plus dur est passé, pensons-nous, pleins d'espoir retrouvé. Nous grignotons les dernières provisions congelées (moins le corned beef !) encore assis sur nos plate-formes respectives. Une dure surprise nous attend : en voulant nous mettre debout nous sommes saisis de terribles crampes d'estomac et de tremblements convulsifs. Les jambes ne veulent plus nous porter, et nos mâchoires crispées par le froid nous empêchent de parler. Sans compter les doigts qui ne sentent rien. Nous sommes devenus de véritables infirmes.
Nous passons un long moment à nous dégourdir les membres, à essayer de les réchauffer pour les rendre mobiles, et malgré cela à chaque pas nous titubons, trébuchons. La tempête qui s'était calmée à l'orée du jour reprend de plus belle alors que nous entamons la descente. Mains gelées qui ne sentent plus les prises, eau qui dégouline dans les vêtements déjà trempés, pitons qui ne tiennent pas, tremblements ininterrompus de tout le corps, JP qui essaie d'aller le plus vite possible mais qui n'y arrive pas…
Alors que les difficultés sont derrière nous et que nous allons atteindre la Grande Raillère, la tempête se calme et le soleil fait même son apparition ! Le Grand Pic tout recouvert de neige resplendit, diaphane, sur un fond de ciel bleu. Splendeur. Nous oublions aussitôt toutes nos misères passées et nous mettons à plaisanter joyeusement sur la possibilité que nous avions eue de faire la première descente intégrale de la directissime Aragon ! Beau morceau en effet !
La Raillère est descendue l'esprit détendu et progressivement la chaleur revient dans nos membres. Nous regardons en passant "notre" voie des vires d'un œil mi-figue mi-raisin. Nous jurons qu'on ne nous y reprendra pas. A quoi ? Nous ne l'avons pas précisé !

(Suite : prochaine image)


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