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Jean M. Ollivier | all galleries >> Climbing in Sixties >> Septembre 1960 à l'Ossau > Vire à bicyclette. Le Pentagone en arrière-plan
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29 septembre 1960 JMO

Vire à bicyclette. Le Pentagone en arrière-plan

Encore un passage salement athlétique et nous parvenons sur l'éperon bordant le cirque suspendu dans sa partie la plus basse. La neige qui, depuis un bon moment déjà gênait notre progression et nous faisait déraper devient encore plus abondante et de ce fait commence à poser des problèmes. Le cirque suspendu est remonté en faisant extrêmement attention. Chaque pas est mesuré, calculé car on ne sait pas ce que cache la neige mouillée qui tient mal.
Un bref conseil de guerre pour savoir si nous optons pour la descente par la voie des vires. Le brouillard s'est levé quelques instants, les bourrasques de neige se sont momentanément calmées mais le jour baisse c'est évident. Dilemme. Nous pensons que nous n'avons pas le temps dans les conditions actuelles de redescendre laborieusement cette voie que je connais bien pourtant pour l'avoir parcourue deux fois cet été. Que le plus rapide serait de monter sur la Pointe Jean Santé et descendre par le couloir Pombie-Peyreget, ou les vires de la pointe d'Aragon ? Quelles idées ! Je me crois toujours en été par bonnes conditions.
Mais il y a autre chose. Nous sommes à proximité de l'endroit où je suis venu il y a deux mois essayer de porter secours avec les CRS à trois jeunes étudiants toulousains victimes d'une chute de pierres. Deux étaient écrasés dans le cirque sud. On a retrouvé le troisième dans le pierrier 400 mètres plus bas. Terribles visions. L'évocation de ce drame nous donne envie de fuir vers le haut. Chassant au loin les pensées d'échec et d'accident nous montons le plus rapidement possible jusqu'au Pentagone. Le passage sur la dalle qui mène à la brèche avec une seule réglette pour les pieds s'avère très glissant, et la corde n'offre qu'une assurance précaire au leader. Sueurs froides.
La neige s'est accumulée sur le versant Pombie-Suzon que nous venons d'atteindre. Des courants d'air violents chargés de brumes remontent le couloir sombre et lugubre. Des choucas passent au-dessus de nous en poussant leur cri métallique caractéristique, qui ajoute une note sinistre à l'ambiance déjà lourde. Le jour baisse dangereusement, mais non la tempête. Il faut tracer dans la neige profonde et lourde et dégager chaque prise. Nous avons les mains gelées et la corde détrempée qui charrie des tombereaux de neige contribue à nous mouiller de pied en cap. Nous commençons à avoir froid. Notre équipement est trop léger pour affronter les conditions qui règnent maintenant. Je porte un simple pull et une feuille coupe-vent même pas imperméable ; l'anorak de JP semble un peu meilleur.
Nous parvenons avec peine à la brèche Jean-Santé dans laquelle le vent chargé de lourds flocons s'engouffre en hurlant. Mais que sommes-nous venus faire ici ? Descendre en rappel par le couloir Pombie-Peyreget que je ne connais pas et à la nuit tombante n'est pas très engageant, mais faisable à mon avis. Qui n'est pas celui de JP que l'idée de se pendre à une corde mouillée fixée on ne sait trop comment, qui risque de se bloquer au moment de la rappeler et qui aura un mal fou à glisser sur les vêtements (pas de descendeur à l'époque), bref que cette idée terrifie. Je n'insiste pas car je ne suis pas loin de rejoindre ses craintes. La solution qui nous reste est de passer par les vires d'Aragon, itinéraire que nous préférons en été pour descendre de la Pointe Jean-Santé. Pour atteindre ces vires il faut monter en direction de la Pointe d'Aragon, en empruntant la première partie du couloir Sanchette, agréable et facile en été.
Nous optons donc pour cette ultime solution qui, nous l'espérons ardemment, nous évitera de bivouaquer dans ces conditions dantesques. Nous n'arrêtons pas de bouger et malgré tout nous commençons à claquer des dents. Mais le moral est toujours là ! Je promets à JP que sitôt que nous serons parvenus aux fameuses vires, nous pourrons rejoindre "aux anneaux" la Grande Raillère, même s'il fait nuit. J'oublie simplement une fois de plus que nous ne sommes pas en été. Omission freudienne dirait mon professeur de psychologie !

NB. Grimper "aux anneaux" signifie que tout en restant encordés on ne s'assure plus et chacun tient une partie de la corde à la main enroulée en anneaux.


(Suite prochaine image)


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