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1938 R. Ollivier

Faces Nord du Mont Perdu (3355 m) et du Cylindre du Marboré (3328 m)

Pyrenees

Nous sommes en 1938, et on voit déjà l'amorce du recul des glaciers.

Et bien que ce soit beaucoup plus ancien, bien avant les années 30, cette image offre l'occasion de reparler de la petite balade de Henri Brulle (une sorte de précurseur du GPHM - dont d'ailleurs il finança en partie le premier guide des ascensions difficiles des Pyrenees http://www.pbase.com/image/29015057), qui enchaîna (mais le mot n'était pas encore à la mode), Mont Perdu et Vignemale depuis Gavarnie, dans la journée. Qu'on en juge : à 15h35 il était sur le Vignemale avec ses compagnons Célestin Passet et Bernat Barrau aprés avoir gravi le Mont Perdu et fait un bon repas à Gavarnie avant d'attaquer le Vignemale. Chapeau !
(Mais il me semble - à vous de juger aprés la lecture - que Henri Brulle en rajoute un peu quand il dit qu'aprés ces deux ascensions ; "...fûmes tout étonnés de constater que nous n'éprouvions point la moindre fatigue.")

Le Mont Perdu et le Vignemale en un jour
Henri Brulle - 1891
Le mauvais temps et diverses circonstances m'ayant empêché de tenter d'autres nouveautés, il ne me restait plus qu'à mettre à exécution un projet déjà vieux et que j'avais à coeur de mener à bonne fin.
Il s'agissait de gravir le Mont-Perdu dans la matinée et d'employer la fin du jour à faire l'ascension du Vignemale, Gavarnie étant bien entendu le point de départ et d'arrivée.
Célestin lui-même avait souri d'un air peu encourageant quand je lui avais communiqué mon plan; mais, la chose une fois en tête, elle avait fait son chemin, et Célestin et Bernat étaient les premiers à demander le signal du départ.
Il eut lieu le 25 Août (1891): minuit était l'heure fixée, mais Bernat ayant le sommeil dur, il fallut aller le réveiller chez lui, et il était minuit trente minutes quand notre petite caravane, formée au pont de Rivière-Dessus, prit son élan.
Nous donnâmes immédiatement notre maximum. Il importait de gagner du terrain au début. Quand une troupe se sent un peu d'avance, son moral est bon et elle a un des éléments essentiels du succès : la confiance.
La lune, quoique par moments voilée, jetait une clarté suffisante, et, à 3 heures précises, nous étions au col d'Astazou. Le temps était très incertain, chargé, orageux. Tout en délibérant, nous fîmes brèche à nos légères provisions : pain, confiture et champagne.
Puis, à tout hasard, nous nous lançâmes sur le glacier; la neige était gelée et nous avançâmes rapidement, les mains dans nos poches, car il faisait froid. Sous le Cylindre, il fallut tailler des pas et franchir quelques crevasses.
Au col du Mont-Perdu, le temps sembla se gâter tout à fait : des éclairs sinistres, d'un rouge de sang, étincelaient sans bruit autour de nous dans la brume qui tourbillonnait. Mais nous étions maintenant trop près pour hésiter. En gravissant la Calotte, nous fûmes intrigués par des bruits secs, comme des détonations de pistolet; nous ne savions d'où ils venaient et pensions qu'ils étaient dus à des phénomènes électriques, quand je m'aperçus qu'ils provenaient de l'ouverture soudaine de petites crevasses dans la glace.
Il était 5 h. 1/2 quand je saluai pour la septième fois le sommet du Mont-Perdu. Le soleil, perçant les brumes à l'horizon, rougissait les cimes et les glaciers, et les nuages, refoulés d'abord par leur éternel adversaire, se rassemblaient par masses compactes comme pour lutter avec plus d'avantage. Sans nous arrêter longtemps à contempler ce sublime champ de bataille, nous commençâmes immédiatement la descente et la menâmes si bon train qu'à 8 h. 1/2, toujours par l'Astazou, nous arrivions à Gavarnie, gagnant deux heures sur les prévisions les plus optimistes.
Le soleil avait pendant ce temps remporté une victoire complète : la journée s'annonçait radieuse. Tranquilles de ce côté, nous déjeunâmes sans nous presser et ne repartîmes qu'à 10 heures.
Nous nous sentions frais et dispos : l'ascension du Mont-Perdu n'avait été pour nous qu'un canter. Aussi, malgré la chaleur ordinaire de la vallée d'Ossoue, d'autant plus brûlante que nous passions en plein soleil par le sentier de la rive gauche, un peu scabreux mais un peu plus court, nous ne mîmes que deux heures jusqu'au fond des Oulettes.
Là, malheureusement, un ennemi prévu et redouté fit son apparition : c'était le sommeil. Bernat fut sous nos yeux instantanément immobilisé en roulant une cigarette. On aurait dit un personnagc du Musée Grévin. Quant à moi, c'est en marchant que je fis mon somme, procédé que je suis loin, du reste, de recommander pour gravir avec agrément les pelouses qui précèdent l'arête du Mont-ferrat.
La caravane retrouva son ardeur sur le glacier, ardeur d'autant plus nécessaire que les crevasses étaient nombreuses et dangereuses, et que nous n'avions pas de corde. Célestin s'y reconnaissait à peine. Il est certain que le glacier change d'allure : il se porte vers sa rive droite. Le pic de Cerbillona est déjà escaladé par une paroi de glace qui semble vouloir le déborder. Malheureusement, nous n'avions pas le temps d'aller vérifier le fait. Quant au plateau du glacier, il est certain qu'au lieu d'être plan ou même concave, comme je l'ai vu souvent, il formait une convexité très caractérisée. Je regrette beaucoup de n'avoir pu étudier avec soin les changements évidents que présentait le glacier. Peut-être la bosse de neige du plateau était-elle due uniquement à un amoncellement accidentel formé lors des deux tempêtes de neige récentes.
Nous atteignîmes le sommet à 3 h. 35 (neuvième fois). Après une courte station, nous fîmes volte-face et ne nous arrêtâmes plus. A 7 heures précises, nous sautions par-dessus le mur de la prairie, près de l'Hôtel Vergez, et faisions notre entrée dans la cour.
L'ascension du Vignemale nous avait pris neuf heures de marche, arrêts compris : celle du Mont-Perdu n'en avait demandé que huit.
Nous fîmes honneur à un excellent menu que nous avait préparé M. Vergez, et, sauf une légère tendance au sommeil, fûmes tout étonnés de constater que nous n'éprouvions point la moindre fatigue. Bernat le prouva bien en remontant le lendemain au Mont-Perdu.
Après cette course, toutes les matinées furent si nuageuses que je dus renoncer à faire certaine ascension qui exigeait impérieusement un temps sûr. je l'ai remise à l'année prochaine avec bien d'autres encore que je prie Notre-Dame du Mont Perdu de me permettre d'accomplir heureusement.



Note ; Ce Vergez était le père de Pierre Vergez ( http://www.pbase.com/image/28995731 ) qui a tenu l'hôtel du cirque à Gavarnie, et avec lequel mon père R. Ollivier fit des ascensions, dont la face Nord du Mont Perdu (Voir : http://www.pbase.com/image/27570127 )
A une époque plus récente Henry Sarthou enchaînait tranquillement Caillou de Soques-Balaitous-Caillou de Soques-Ossau dans la journée et son fils Tony au début des années 70 traversa du Vignemale à l'Ossau par le Balaitous http://www.pbase.com/jmollivier/image/50994450). Enchainement repris par Michel Weidner. Enfin de mémoire, j'aimerais citer une jeune alpiniste surdouée (dont j'ai oublié le nom) qui enchaîna dans les années 90 le Mont Perdu, le Vignemale et le Balaitous dans la journée.

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