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Jean M. Ollivier | all galleries >> Moments >> Le petit peuple du Foufouland >> achacunsonalbum >> François alias Anfoy, mon meilleur ami > Mars 1961 - Et déjà à 17 ans un premier contact avec Sesto, et pas des moindres.
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19 mars 1961 jmo

Mars 1961 - Et déjà à 17 ans un premier contact avec Sesto, et pas des moindres.

Arudy - Sestograd

Voie du Bloc Coincé, variante de sortie par le surplomb.
Rétrospectivement j'admire le courage de François.
N'est-ce pas l'abbé Pierre Devianne, venu un jour à Arudy,
qui proféra cette sentence définitive : "Quel jeu de cons" !

A l’occasion de l’anniversaire des 18 ans de François
(L'essentiel de ce texte a été écrit le lendemain de ce jour mémorable)

Samedi 11 Novembre 1961
Récit (d'époque) de J. Ollivier
What a drench ! Malgré l’intense mauvais temps nous sommes tout
de même partis de Pau en vélo à 8 heures ce matin, sous la pluie,
Hervé et moi, pour parcourir les 25 km qui nous séparent de notre
paradis sur terre, « nos » rochers d’Arudy. La pluie ne nous quittera
pas de la journée, cette garce.
A peine arrivés nous effectuons tout d’abord un beau défrichage à
la base des parois du Turon. Sur des centaines de mètres nous
dégageons des départs de voies possibles, commençons l’exploration
de certaines. Je bute ainsi sur un passage délicat et renonce vite
à monter plus haut. Le rocher mouillé est très glissant, et la pluie qui
redouble nous fait fuir.
Nous notons avec un intérêt passionné que ce groupe de rochers (le Turon),
une fois débarrassé de son abondante végétation, serait sensationnel.
Nous estimons que 50 voies au moins pourraient y être tracées : dièdres,
dalles, surplombs tout y est. [En fait plus de soixante voies y ont été ouvertes].
Mais aujourd’hui n’est pas un jour à vouloir faire des exploits. En outre
Hervé n’a pas la forme. Afin de la retrouver nous pensons enfin à nous
restaurer. Il est deux heures de l’après-midi. Nous mangeons auprès d’un
excellent feu qui pétille grâce aux rameaux morts d’une liane géante qui
poussa jadis à l’entrée de l’abri découvert au pied des parois. L’occasion
de se sécher un peu avant de retourner sous la douche. Car il pleut, pleut, pleut…
Nous pensons que François, auquel Hervé avait signalé cette sortie,
ne viendra pas, ce qui serait assez logique.
Cependant, alors que nous défrichons ce qui sera une future voie d’escalade
au-dessus de notre abri et que nous sommes en train de nous asphyxier
au milieu des fumées de notre feu, des voix nous parviennent depuis
le « Défilé ». Qu’est-ce que c’est ? Le vieil instinct préhistorique
qui sommeille en nous vient de se réveiller et reprend le dessus.
L’on s’inquiète, mais à tort, car nous finissons par reconnaître
la voix de François.
Il arrive avec son père et deux de ses sœurs, Marie et Cécile.
Toujours pratiques nous estimons, puisqu’ils ont fait le déplacement,
qu’il est indispensable de leur faire faire quelque chose, autrement
dit de l’escalade. La voie en Z naturellement, voie pour débutants que
nous avions découverte l’an passé et parcourue sans corde. Pour cela il
faut quitter le Turon et remonter le remarquable pierrier qui permet de
rejoindre les rochers du haut (aujourd’hui appelés Sesto) dans lesquels
se déroule la fameuse voie en Z. Et bien entendu une douche carabinée nous
attrape au passage et un nouveau feu est allumé sous l’auvent de Sesto,
afin de nous sécher quelque peu et deviser agréablement avec les visiteurs
en attendant une accalmie.
Cette accalmie se faisant prier nous y allons quand même, l’inclinaison
des rochers nous offrant une relative protection. J’emmène Marie, Cécile
et papa Fougère sur la même corde. Hervé et François, sans corde, se
chargent d’encadrer la petite troupe et de lui prodiguer moult conseils
utiles. Dès le premier passage une difficulté rebute quelque peu les
débutantes pourtant pleines de bonne volonté ; mais, en prenant le temps,
elles arrivent à résoudre le problème. Il faut dire qu’étant donné leur
équipement elles ont bien du mérite. Cécile en particulier grimpe avec
d’élégantes petites bottines blanches qui auraient juste leur place à la
kermesse du village ! Néanmoins, en gens pragmatiques nous considérons que
l’escalade de la voie en Z dans ces conditions constitue en quelque sorte
une première, sans doute jamais répétée depuis. Nous les rassurons (les
filles, pas les bottines) en leur expliquant qu’au-dessus c’est plus
facile. Mr. Fougère (sic) surmonte allégrement le passage retors. Tel
fils tel père.
Ainsi va pour la première longueur de corde (la voie en comporte trois).
La seconde longueur nous amène au seuil de la nuit avec le retour de
la pluie. Et il fait presque totalement noir lorsque nous attaquons
courageusement la troisième longueur. Personne ne se plaint. La situation
fait plutôt rire certains. C’est dans un véritable tunnel que le dernier
ressaut est franchi, toujours sous une pluie battante, accompagnée maintenant
d’éclairs puissants qui nous aveuglent.
Quand tout le monde est réuni au sommet du rocher s’ensuit une marche à
tâtons dans un terrain chaotique et encombré de végétation à la recherche
de la voie de descente. Cette dernière, quoique très raide, est facile
en temps normal, autrement dit par temps clair et sec. Mais ce soir !
Une partie de la voie court sous un vaste auvent qui masque les quelques
reliquats de lumière qui nous ont permis d’avancer jusque là. De ce fait
la voie dite normale est un four total. Les cordes sont ressorties et tout
le monde est attaché et solidement assuré. Cahin caha, dans un ordre diffus
et suspendue le plus souvent aux cordes la troupe arrive sans trop rouspéter
au bas des difficultés. François, non encordé, se fait surprendre sur un
passage glissant et ne doit son salut qu’aux buis qui poussent providentiellement
non loin du passage en question. Et moi-même, étant le dernier à descendre,
manque de déraper au même endroit et détache en prime un gros bloc qui a
la bonne idée de n’écraser personne.
Retour ensuite à l’auvent où sont restées quelques affaires, l’occasion
de moult glissades et chutes de toutes sortes de la part des « éléments
débutants » (pauvres petits, comme initiation !). Le feu est là qui nous
attend, nous réchauffe de sa flamme réconfortante et écarte les démons de
la nuit et de la pluie. Tout le monde se remet de ses émotions et ne peut
s’empêcher de plaisanter sur l’éventualité d’un bivouac en pleine voie en Z,
cramponnés à la paroi battue par les vents et les rafales de grêle, trempés,
gelés et morts de faim dans l’attente d’un hypothétique secours. Néanmoins
nous bivouaquerions volontiers ici, près du feu, dans ce petit havre de sécurité
et d’amitié à l’écart du monde. Temps suspendu. Instants d’éternité.
Mais nous sommes bien obligés de partir, d’abandonner cette petite bulle
spatio-temporelle apparue quelques instants comme par magie.
Hervé et moi prenons les devants pour récupérer les lampes frontales laissées (!)
avec l’essentiel de nos affaires au pied du Turon. Nous n’avions pas terminé
la descente que déjà nous apercevions des lueurs parcourir le haut du
pierrier : la famille Foufou, jamais en reste d’astuces et impatiente
de descendre, crapahutait vaille que vaille dans les énormes blocs
du pierrier, munie de torches primitives confectionnées grâce au feu
du bivouac. Frontales récupérées nous faisons relativement vite la
jonction Hervé et moi et la voiture est rapidement rejointe. Et là papa
Fougère refuse catégoriquement de nous laisser rentrer à Pau en vélo,
sans lumière et sous la pluie (ce n’aurait pas été une première pour nous).
La voiture est une vaillante petite Deuch d’au moins 450 cm3 (la 1 DV 64).
Outre six personnes et leurs sacs le petit véhicule arrive à absorber les
deux vélos ! Décidément, de cette journée il ne manque que le tapis volant !
Néanmoins j’ai mal pour les vélos rentrés manu militari dans un mini coffre
non prévu pour les recevoir. Pauvres vélos, outils de notre liberté [lire
En Vélo à la Mer… http://www.pbase.com/jmollivier/enveloalamer ]. J’ai eu peur
à ce moment-là que ce ne fût pour le mien sa dernière expé. Mais nous arrivons
ainsi tranquillement et confortablement à Pau.
Et là une nouvelle journée commence véritablement. Nous allons découvrir
dans la même journée une autre bulle spatio-temporelle, le Foufouland ainsi
que je le nommerai plus tard.
C’est aujourd’hui l’anniversaire de François, celui de ses dix-huit ans.
Dix huit ans seulement soupirons-nous Hervé et moi, vieux briscards de vingt
ans que nous sommes. Date importante, mais moins qu’elle ne l’est aujourd’hui,
car à l’époque la majorité se situait à 21 ans. C’était plus confortable.
Mais c’est tout de même l’occasion pour Mr. FouFou (sic) de nous inviter
à souper chez lui, malgré l’heure tardive. Et c’est parti pour une soirée
d’exception dans cette famille de légende et ses neuf enfants, dont la plus
jeune, Odile, n’a que 4 ans. Tous fument la pipe, permission du dimanche et
des jours de fête en ce temps-là. Ils finiront d’ailleurs par me communiquer
cet agréable virus, moi qui ne fumais pas auparavant. Les enfants sont joyeux
d’avoir de la visite. J’apprends à les connaître, et bien vite à les aimer.
Odile, petite porcelaine fragile, est la cadette, la protégée de Marie, puis
vient Claire, adorable et turbulente, le blond Nicolas, le brun Edouard aux
yeux pétillants d’intelligence, le flegmatique Philibert donneur de leçons,
et le groupe des trois grâces Cécile, Catherine et Marie dont on ne sait
quelle est la plus jolie. Et sans oublier Mme Fougère, Denyse, la mère, qui
règne avec une douce autorité et un solide bon sens sur tout ce petit monde.
Pris dans ce tourbillon nous en oublierions presque notre ami François qui
a toujours su garder la tête froide et un regard lucide, empreint d’humour
parfois caustique, sur le monde qui l’entoure.
Au cours de cette soirée détendue nous découvrons Astérix et Téléphéric
ainsi que Chlorhydric, nous réchauffons aux flammes des 18 bougies du gâteau
d’anniversaire et jouons au jeu des « Mille Bornes » jusqu’à deux heures
du matin, le tout émaillé de franches rigolades.
Que ces parents Fougère sont donc jeunes notai-je à l’époque. L’on est
aussi à l’aise avec eux qu’avec leurs enfants. Je n’avais jamais connu
cela, vivant parmi une famille très crispée. Marie me harcèle ensuite
pour que j’écrive une phrase sur le livre d’or familial. Aïe ! Gros problème
pour moi, aussitôt les idées s’embrouillent et tournent dans ma tête. J’ai
peur que l’on me juge à l’aune de la platitude de mes citations. Je me lance
quand même pour faire plaisir à Marie, cite Samivel (Je grimpe donc je suis),
Guido Lammer (Celui qui, un jour, a regardé la mort en face, ne retombe jamais
dans la platitude (tiens !) des petits esprits) et mentionne enfin un opérateur
mathématique pour clore le débat et finir de sombrer dans le ridicule. Il aurait
été si simple de tresser une sincère et simple louange à cette adorable famille,
ce qui en l’occurrence aurait été parfaitement justifié étant donné le bonheur
que je ressentais de l’avoir rencontrée. L’émotion sans doute. L’abîme aussi
qui séparait ma propre situation familiale au funeste destin du bonheur simple
et sans ombre de cette famille unie et qui me démontrait que tout n’était pas
perdu. Que l’amour filial est d’un grand secours dans la vie.
La nuit s’étire, il nous faut rejoindre nos pénates, Hervé et moi. Et
toujours pas question d’enfourcher nos vélos. Papa Fougère, Dominique,
démarre la 2 CV et courageusement (par bonheur demain il ne travaille pas)
entreprend de nous ramener à Pau. Car, faut-il le dire ici, nous allons
quitter un chalet perdu au milieu des coteaux, en empruntant un interminable
chemin impossible. Donc pour parachever cette journée riches en évènements
la voiture crève sur le chemin. Et un peu plus loin elle tombe en panne
d’essence ! Elle aussi voulait sa part de gloire aujourd’hui !
A 4 heures du matin, sur la pointe des pieds (déchaussés) et bien doucement
je regagne enfin ma chambre de la villa El Patio de mes parents.
Fortunately ai-je noté en conclusion. Pourquoi ?
Nul doute que ce jour fut fondateur.


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