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17 février 1875 George Sarrailhé recueilli par sa soeur Thérèse

Année 1875

Année de naissance de George Henri, dit George (17 Février 1875 à Pau –
13 Mars 1957 à Pau). Fils de Marie Anna Laslandes et Joseph Sarrailhé,
frère de Mammie, oncle de Maïté.
Qu’a-t-il fait dans la vie, aucune idée en ce qui me concerne ; Je
n’ecris que ce que j’ai vu ou pu apprendre. Ce pauvre George et sa sœur
Thérèse vivaient reclus, dans deux chambres se faisant vis à vis, de part
et d’autre d’un couloir, chacune ayant une fenêtre donnant au sud sur
le jardin qu’ils ont tant fait prospérer dans leur jeunesse. Mais maintenant
qu’ils sont vieux, fatigués et handicapés, ce merveilleux jardin n’est
plus qu’un lointain souvenir. Ne restent que les fruitiers que les années
ont amené à maturité et au-delà. Ils sont magnifiques et de leur fenêtre,
grâce à eux, George et Thérèse peuvent suivre le mouvement sans fin des
saisons. Les cerisiers sont les premiers à se couvrir de fleurs, puis
les pruniers, les pommiers, les poiriers, les pêchers, avant de se charger
de fruits succulents. Thérèse couve du regard pendant de longs moments
un grand figuier qui pousse à quelques mètres de sa fenêtre, particulièrement
généreux à la fin de l’été, et George a une faiblesse pour son grand
noyer vert foncé qui fournit des noix énormes, l’automne venu, en même
temps que le beau chataignier du fond du jardin laisse tomber ses bogues
piquantes partout sur l’herbe. Assis dans leur fauteuil ils laissaient
ainsi sagement le temps s’écouler, n’attendant rien d’autre de la vie.
J’avais l’impression que personne ne venait leur rendre visite, comme
s’ils n’avaient plus aucun intérêt, qu’ils étaient déjà morts. Pourquoi ?
me demandai-je.
J’en parle ainsi car, tout gosse, je venais profiter de ces merveilles
un peu de la même façon que de celles du jardin de la Petite Maison,
couverte d’arbres fruitiers par mon père, à l’époque de la construction
de la maison de mon enfance.
J’aimais bien George. Sa seule compagnie était son poisson rouge,
en dehors de la contemplation des arbres de son jardin. Parfois le poisson,
s’ennuyant ferme dans son minuscule bocal sphérique dans lequel il passait
son temps à tourner en rond, tentait d’attraper une mouche en sautant
hors de l’eau, et ne retombait pas toujours dans son aquarium. Hurlements
de George après cette pauvre créature qui se débattait sur le parquet
et attendait qu’un âme charitable vienne à son secours. Impossible pour
George, handicapé, de venir en aide à son poisson rouge. Mais heureusement
ses hurlements (de colère ?) alertaient sa petite nièce Michèle (ma
cousine, fille de Gérard Cabanne et de Marguerite Amoraben) qui vivait
à l’étage de la maison avec ses parents et sa sœur Jacqueline. Il suffisait
qu’elle descende l’escalier central de la maison pour remettre le pauvre
poisson rouge, toujours vivant, dans son bocal. Selon elle, grande
zoologue devant l’éternel et spécialiste de l’éthologie des animaux
domestiques, cette pauvre bête ne supportait plus le spectacle de l’être
inactif et avachi dans son fauteuil qu’elle avait en face d’elle du matin
au soir, et préférait mourir plutôt que de supporter ça. Nous étions en
présence du suicide du poisson rouge de George, et non devant un simple
accident de chasse. Et chaque fois qu’on évoque George, Michèle parle du
suicide de son poisson rouge. Une vraie fixation ! Etait-ce tout ce qu’elle
connaissait de George, pensait-elle comme ce que le poisson rouge était
censé penser selon elle ? Il y avait du mépris que Marguerite ne se privait
pas d’entretenir, pour le peu que j’ai entendu de sa bouche et vu dans son
regard. Du genre « ne finis pas comme ça » ou « ça n’a que trop duré ».
Lorsque George meurt, le 13 Mars 1957, à 82 ans, service funéraire
minimum, organisé au plus économique par ma tante Marguerite, épouse de
Gérard Cabanne. Petit neveu de ce grand-oncle étrange, je n’ai même pas
été mis au courant. Comme si rien d’important ne s’était passé ; Et d’un.
Les grandes manœuvres pour récupérer la maison de George et Thérèse vont
commencer, la maison de Thérèse en fait, dernière héritière encore en vie
et restée seule et sans défenses. L’oncle Gérard va laisser faire, trop
content de récupérer gratos un logement de cette qualité. Tu parles, une
maison avec trois niveaux et tout près du centre ville dans un quartier
tranquille et possédant un immense jardin. Ça n’a pas de prix !
Et les projets vont bon train, initiés par Marguerite et exécutés
intégralement par Gérard, l’homme à tout faire, à ses moments libres
[son travail à la SNCF commençait très tôt – du fond de mon lit,
à El Patio, j’entendais sa petite moto passer dans la rue aux aurores,
généralement par nuit noire, en route pour la gare de Pau. Bien du
plaisir vieil oncle pensai-je ! Il était conducteur de train,
généralement sur la ligne Pau-Canfranc, ce qui lui permettait de
nous ramener des produits d’Espagne –jambons, cuisse de mouton, tabac…]
et il rentrait assez tôt pour s’atteler aux travaux de rénovation
exigés par Marguerite. Il y sacrifiait également tous ses WE.
La vie rêvée d’un cheminot en somme.
Tout d’abord isoler le rez-de-chaussée, afin de le louer un bon
prix lorsque Thérèse aura vidé les lieux, ce qui ne saurait tarder :
construction d’un escalier extérieur rejoignant directement l’étage
où habite la famille de Gérard, une famille Cabanne pas comme les autres.
J’ai assisté, de loin, à cet exploit de super bricoleur, un vrai
travail de pro. Très doué Tonton Gérard. Monter un vertigineux escalier
en béton d’une solidité à toute épreuve sur une façade aveugle, dans
laquelle il fit une ouverture où il aménagea la nouvelle entrée de la maison.
Ce travail terminé il construisit un immense hangar destiné à abriter
son atelier et ses outils. C’était son rêve. Ceci en sacrifiant une
grande partie du potager où Thérèse n’allait plus depuis longtemps,
mais en lui bouchant la vue sur le reste de son jardin et en éliminant
son figuier chéri.
Et puis il y avait la cour. La cour se situait dans l’espace qui
séparait la maison de la rue. George et Thérèse, surtout Thérèse,
une vraie artiste, y avaient créé un véritable petit parc à la japonaise,
avec mini bordures de buis, rosiers, fleurs rares, petite rocailles
disséminée ça et là avec leurs plantes endémiques. Un vrai bijou qui
me remplissait d’admiration quand j’étais gosse, et auquel je pense
encore. Mais qui ne remplissait pas d’admiration la mère Marguerite,
ni ses filles d’ailleurs, tout à fait indifférentes à cette « verdure ».
Marguerite y voyait un espace à entretenir et ne tenait pas à s’y
consacrer, bien que ne travaillant pas. En plus, lorsqu’il pleut on
se salit les pieds, on amène de petits gravillons dans la maison.
Décision sans appel, il faut que cette cour soit « propre » ! Sans compter
qu’on ne va pas vivre éternellement avec la seule petite moto de Gérard
comme moyen de déplacement, on va pouvoir enfin se payer une voiture.
Qui stationnera dans la cour, bien évidemment.
Et en avant l’opération propreté ! Les plantes délicates du petit
jardin finissent au compost, les plates-bandes sont nivelées et le sol
est recouvert de dalles en béton coulées par Gérard. C’est enfin propre…
et horriblement laid. Pour parfaire le désastre un abri style favella de
Rio est édifié contre la maison dans un coin de la cour, en guise de
garage. Marguerite est satisfaite. A quoi pourrais-je occuper ce fonctionnaire
qui travaille si peu ? cogite-t-elle maintenant. Epuisé, Gérard tomba
dans une profonde dépression et partit se réfugier chez sa mère, rue du
Pin, à trois rues de là. Et se vengea sur elle des sévices qui lui
avaient été infligées par Marguerite. Soulagé il retourna chez lui et
trouva le moyen de subir une terrible attaque cérébrale (AVC) qui le
cloua dans un fauteuil pour le restant de ses jours. Ce n’est pas un
poisson rouge qu’il désirait, mais plutôt son fusil de chasse – car il
était chasseur aussi, quand Marguerite lui en laissait le temps.
Il ne rêvait plus qu’au gros gibier désormais… Il n’eut jamais
gain de cause, rapport au fusil.


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