La Messe de Saint Grégoire
Ce tableau tient une place toute particulière dans l'histoire du métissage culturel entre la vieille Europe et l'Amérique indigène. Elle constitue une des premières œuvres chrétiennes du Nouveau Monde et probablement, aussi, une des dernières productions de l'art aztèque. Pourtant, ce tableau ne se limite pas à une simple transposition en plumes d'une scène chrétienne. Si le sujet est bien occidental, la technique, le vocabulaire décoratif, l'organisation spatiale et même certains symboles renvoient directement aux traditions locales.
Le tableau représente le Pape Grégoire qui, lors d'une messe, vit apparaître devant lui le Christ de Pitié sortant de son tombeau, entouré des instruments de la Passion. Le choix de cette iconographie devait avoir une vertu éducative pour les frères mineurs, en répondant aux préoccupations de l'évangélisation par l'image, le mystère Pascal étant pratiquement traduit sous la forme d'une bande dessinée.
Autour du tableau court une dédicace en latin qui date et localise l'œuvre et en identifie l'inspirateur: Mexico 1539,Pierre le Gand. Il fut un des premiers moines franciscains arrivés au Mexique et fonda l'Ecole d'art San José de Los Naturales. Initialement prévu pour enseigner les techniques occidentales, cet établissement est peu à peu devenu, sous sa direction, le conservatoire des traditions aztèques en intégrant directement au corps enseignant des scribes(clocuilos) et des plumassiers (amantecas) indigènes. Ils ont apporté les techniques traditionnelles, comme l'art de la plumasserie, mais également des systèmes de représentation propres aux civilisations méso-américaines. Ainsi peu à peu, au sein de l'école va émerger un art très métissé nourri par la double influence de l'Occident chrétien et de l'Amérique précolombienne dont la Messe de Saint Grégoire en est le plus beau témoignage.