Je m’en souviens…Cyprien
Une épicière fine
Elle vend des tourons
En tablier au comptoir de son débit
Toison noire occitane égérie
Le sable de la plage s’invite
Sur le sol terrazzo de sa boutique
Les jours de tramontane et de mistral aussi
Une grande glacière ronronne seule dans un coin
Et réfrigère les limonades en bouteilles de verre
Un ventilateur suspendu brasse l’air
Le rideau à grelots prévient des passages
Va et vient, entrées et sorties
Des vacanciers qui prennent la queue…

Je m’en souviens…Cyprien
Une cordonnière diva
Jongleuse de brosses à reluire
Briqueuse de cuirs
Une carrure de lanceur de poids
Accrocheuse de regards à forte poitrine
Maquillée à l’excès de Rimmel
Décalée dans son décor de remake
Ses mains aux doigts teintés de cire
Signent d’une craie blanche
La semelle usée qui aurait finie au trou
Immanquablement…

Je m’en souviens…Cyprien
Une tenencière de bistrot et plus si nécessité
Grande amie de tanneurs
De ceux qui payent tournée sur tournée
De ceux qui fuient l’usine dés que la sirène retentit
Pour la retrouver
De ceux qui refont le monde chaque jour que dieu fait
De ceux qui, bourrés, sympathisent avec le contre maître revêche
Qui lui aussi fait partie des clients réguliers
Un coup d’œil par ci
Un bouton de bustier mal fermé par là
Une petite tape déplacée
Une affaire qui marche
Vite fait, bien fait…

Je m’en souviens…Cyprien
Une dentiste fraîchement installée
Une noyade dans ses yeux fjord
La pression uniforme de son corps en blouse
Toujours d’une blancheur parfaite
L’odeur des amalgames préparés par des assistantes
D’une prévenance excessive mais tellement exquise
Une défervescence qui ne vient jamais…


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