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Jean M. Ollivier | all galleries >> Galleries >> Climbing in Sixties > Les caprices de la belle Dyna et l'hospitalité légendaire des Ollivier de Cannes- Récit.
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1966 Portrait de la Titine Dyna

Les caprices de la belle Dyna et l'hospitalité légendaire des Ollivier de Cannes- Récit.

On peut dire qu'elle nous en a "fait voir" au cours du voyage de cet été 1966,
voyage de noce qui plus est. https://pbase.com/jmollivier/image/173997616

Belle en apparence, mais pourrie de l'intérieur, trop vieille, trop usée, elle
va s'ingénier à nous démontrer que tout ce qu'on lui demande n'est vraiment plus
"de son âge".
Il était prévu de traverser la France du Sud jusqu'au massif alpin de Chamonix
pour y faire un court séjour, avant de parcourir la Suisse et l'Italie du Nord
jusqu'aux massif des Dolomites.
Voyage donc, rendu possible grâce au « cadeau » de mon père, une vieille Dyna
Panhard, modèle qui n'est plus fabriqué depuis des années.
Sièges fixes, donc difficile de dormir dans la voiture. Mécanique légère et très
fatiguée, ce qui nous a contraints d'emporter un véritable atelier dédié à la
mécanique auto. Lequel, nous le verrons plus loin, ne suffira pas. Car, quel
optimisme joyeux que de vouloir aller visiter les mythiques dolomites à près
de 2000 km de chez nous dans cette ruine roulante - roulante oui, pour le moment !
Mais avant de visiter les si désirées Dolomites, le voyage devait nous conduire
à Chamonix, afin de soutenir le moral de notre ami Hervé. Passionné de montagne
et désireux d'être guide il présentait cette année le concours d'entrée à l'ENSA
(Ecole Nationale de Ski et d'Alpinisme).
Après Chamonix rendez-vous avait été pris avec le père Ollivier, au Breuil en
Italie, ou à Zermatt en Suisse, pour gravir le Cervin. Il n'avait pu réaliser
cette ascension pour des raisons diverses et elle lui tenait à cœur. M'est avis
que le "cadeau" de la voiture n'était pas si innocent que cela.
Le début du voyage de Pau à Chamonix se passe sans encombres, tout va bien.
Ce qui permet de nourrir les plus grandes espérances quant au long voyage
projeté jusqu'aux Dolomites.

Départ donc le mardi 26 juillet 1966 de bonne heure, de notre logement provisoire
à Pau, 19 rue Bayard.
Arrêt pique-nique au Mas d'azil dans l'Ariège, dont nous visitons
le site. La route nous conduit ensuite à Belmont, en Auvergne (Loire),
l'auto ronronne paisiblement.
Le lendemain nous traversons les superbes gorges du Tarn, visitons l'Aven Armand
et allons déjeuner sur les plateaux des Grands Causses, magnifiques et
désertiques. Une longue route très accidentée nous conduit ensuite à
Voiron (Isère). La voiture semble en pleine forme, c'est nous qui sommes fatigués.
Le jeudi 28 juillet nous visitons l'admirable région de Chambéry, Aix-les Bains
et Annecy (lac du Bourget et lac d'Annecy) dans laquelle nous trouvons un coin
idéal de camping sauvage dans une forêt digne des schtroumpffs. La voiture est
toujours docile, vaillante et semble prendre plaisir à rouler.
Le 29 juillet nous sommes à Chamonix et nous prenons le temps d'explorer la région car nous ne savons pas où Hervé a atterri. Visite de Vallorcine et camp posé au col des Montets (1461 m), non loin de la frontière avec la Suisse.
Samedi 30 Juillet les grosses emmerdes mécaniques commencent et ne nous quitteront plus jusqu'au retour, le 7 septembre. En descendant le col des Montets vers Chamonix les freins lâchent ! Moment de panique. Horrible panique est-il indiqué dans les notes de l'époque. Entre frein à main et frein moteur, à vitesse réduite, j'arrive à gagner Chamonix. Les garages sont fermés, c'est samedi. De plus notre maigre budget (1000 francs de l'époque, environ 150 €, pour vivre un mois et parcourir 4 à 5000 km) ne nous permet pas de faire des folies. Et pourtant les freins... Un premier incident survenu quelques jours avant le départ (6 juillet) m'avait pourtant alerté : au retour d'une escalade à Arudy (ouverture du Dièdre Rayé) avec Chantal et François, dans la descente d'un chemin étroit qui nous ramenait au Foufouland [ http://www.pbase.com/jmollivier/foufouland ], nous nous sommes trouvés face à face avec un furieux qui montait la côte à tout berzingue. Les freins n'ont pas répondu tout de suite et le choc frontal quoique bénin plia le capot de la voiture. Une fois le circuit de freinage vérifié, une durite changée et le capot remplacé (par le capot d'une Dyna encore plus vieille achetée à un ancien copain de collège, Henri Abadie), tout semblait correctement fonctionner. Et ce d'autant plus qu'au cours des trajets effectués avant le grand départ (Arudy, dune du Pyla où nous avions accompagné François et Minnie Daste (Anne) pour y passer la nuit les 10 et 11 juillet) rien de notable ne s'était passé. La voiture, la Dyna, roulait, tenait formidablement bien la route et même freinait ! Ce souci de freins défaillants était donc évacué. La suite nous a montré qu'on ne perdait rien pour attendre...
Le territoire snob et touristique de Chamonix ne se prêtant pas à la mécanique en plein air, je décide de remonter au col des Montets pour réparer moi-même. Le coin que nous avions choisi le soir précédent pour camper est tranquille, l'herbe moelleuse. La réparation s'avère difficile mais le résultat est là : les freins fonctionnent à nouveau..
Aussi sec nous redescendons à Chamonix pour les tester, et accessoirement pour chercher à nouveau Hervé et Renée sa fiancée. Nous finissons par les retrouver.
Nous allons ensuite dormir au Bois des Praz, près du torrent l'Arveyron (issu de la Mer de Glace), au milieu de sympathiques petits sapins.
Le lundi 1er Août nous laissons la voiture dans un garage de Chamonix pour vérification des freins et éventuellement renforcement de ma réparation. Deux précautions valent mieux qu'une dorénavant !
Nous récupérons la voiture dans la soirée, en principe bien réparée.

Mercredi 3 août, devant le temps incertain peu propice aux balades en montagne nous décidons d'aller à Martigny, en Suisse, de l'autre côté du col des Montets. Nous transportons Mendola, l'alpiniste qui a réussi la voie Bonatti aux Drus, Danielle (la sœur de Monique Gautreau) et Renée Cazaurang la fiancée de Hervé. Aux inconscients les mains pleines : ah s'ils avaient su dans quel cercueil roulant ils avaient embarqué ! L'inconscient c'est aussi le conducteur de cette épave, très sûr de ses réparations.
Nous rentrons à Chamonix le soir sous la pluie. Personne n'est mort !

Devant le mauvais temps persistant, et pour respecter la date du rendez-vous avec les Ollivier de Cannes (Robert et Maïky), nous partons le lendemain 4 août et campons sous le col du Petit Saint-Bernard. Titine galope comme une reine.
Néanmoins j'estime qu'un examen approfondi de la voiture s'impose avant de partir pour l'Italie. Tout a l'air d'aller bien. Ou alors la fieffée mécanique cache bien son jeu. L'Italie est atteinte relativement vite après avoir franchi le Petit Saint-Bernard le 5 août. Nous visitons Courmayeur et le Val Veni. Passons à Aoste et arrivons dans la soirée au pied du Cervin, dans la station du Breuil (ou Breuil-Cervinia). C'est le lieu où nous avons rendez-vous avec Robert et Maïky, dans un jour ou deux. Ce qui nous laisse le temps d’arpenter l’immense et interminable vallon jusqu’au col proche du Cervin et qui domine Zermatt (col de Furggen , 3273 m), Bonne mise en jambes pour les projets futurs !
Il faut noter que jusqu’au Breuil la voiture s'est faite oublier et a obéi à son maître au doigt et à l'œil. Il semble que l'on a définitivement conjuré le mauvais oeil.
Nous repartons du Breuil le 8 août en compagnie de Robert et Maïka qui nous devancent dans leur Taunus jusqu'au Lac Majeur, à Stresa, d'où nous visitons les îles Borromées le lendemain 9 août. Tout baigne. La Dyna suit vaillamment la Ford Taunus de 15 ans sa cadette. Mais là tout se complique. Après avoir quitté le Lac Majeur dans la soirée pour Domodossola, petite ville du Piémont, la route est rendue d'autant plus pénible que la voiture se met à faire un bruit suspect qui ne la quitte plus. L'anxiété gagne alors ses passagers. Qu'est-ce qui va lâcher ? Et quand ?
La voiture arrive sans encombres le 10 août à Saint-Nicolas, dans la vallée de Zermatt. Le soir au camping, cependant, je m'astreins à faire de la mécanique, pour découvrir la cause du bruit incongru qui trouble la sérénité des pauvres voyageurs trimballés dans ce carrosse de fée Carabosse. Miracle, j'en découvre la cause et répare ce qui aurait pu être le motif d'un retour prématuré à pied, en train, en stop, que sais-je, avec l'abandon de la plupart de nos affaires. Ouf ! Mais c'est au prix d'une soirée passée à ramper sous la voiture, dans l'herbe humide, avec en prime du cambouis partout et réfractaire au nettoyage. Heureusement le temps se maintient au beau, comme il le fut pour l'ascension du Weisshorn (voir : http://www.pbase.com/image/26806049 )
La suite du voyage en Suisse se passe bien, hormis un temps exécrable. Qui n'a pas l'air d'incommoder la Dyna, que nous croyons naïvement remise de ses petits déboires "de jeunesse". En avant toute !
Nous restons dans le Val d'Anniviers jusqu'au 15 août, date à laquelle nous rejoignons le col de Bellegarde dans les Alpes bernoises, à 1509 m, dans le brouillard et la pluie.
Le lendemain nous roulons jusqu'à Grindelwald, joli patelin, pour faire des courses. Continuons par Lautherbrunnen toujours sous la pluie et passons un col assez difficile, le Gusten Pass. Nous essayons d'aider un automobiliste en panne. Ce n'est pas un trait d'humour.
Nous rejoignons Andermatt dans la nuit et le brouillard. Dormons dans la voiture sous le col du Saint Gothard (2108 m). Froid terrible, il neige. Les conditions météorologiques nous font faire du souci. Nous avons oublié la voiture et les éventuelles pannes qu'elle pourrait nous réserver.
Mercredi 17 Août
Passage du saint-Gothard. Un petit bruit dans la voiture semble provenir du compteur de vitesse. Il cesse au bout d'un moment. Courses à Bellinzona (238 m, dans le Tessin).
Vers midi nous passons la frontière à Chiesa (Come). Douaniers tatillons. Nouveau petit bruit inlocalisable dans le moteur. La route longe le lac de Come qu'on imagine magnifique et qu'on ne voit presque pas étant donné les trombes d'eau qui nous tombent dessus et les nappes de brouillard qui enveloppent le paysage. Pluie. Pluie. Pluie. Déjeuner à 18 h (!) sous le col d'Aprica (Lombardie, 1181 m). Vidange de la voiture. Recherche sans succès de la cause du bruit anormal dans le moteur. En poursuivant la route apparaît un nouveau bruit inquiétant, provenant toujours du moteur et semblant couvrir le bruit précédent. A moins que les choses ne s'aggravent...
Je roule de nuit et passe par Edolo (638 m, province de Brescia en Lombardie). Nous dormons dans la voiture sous le col de Tonale (1884 m, entre Trentin-Haut-Adige et Lombardie) à Ponte di Legno (1200 m) dans le Val Camonica de la province de Brescia, près d'un tas d'ordures.

Jeudi 18 Août
Arrivée sans histoire sur des routes magnifiques à Madonna di Campiglio (1522 m) dans les Dolomites de Brenta après avoir passé le Passo Campo Carlo Magno (1682 m). Madonna di Campiglio, la perle des Dolomites, avec des montagnes formidables tout autour paraît-il. Il pleut, il fait froid, il y a du brouillard. Les vitres de la voiture sont embuées. Nous visitons néanmoins le patelin. Les gens sont emmitouflés comme en hiver. Bonnet de laine, anorak rembourré, cache-nez, et même gants !
Nous décidons de revenir au Passo [je n'ai pas noté la raison]. En plein milieu de cette route de montagne très fréquentée, accidentée, étroite, ne disposant que d'un nombre restreint de zones de stationnement, le câble de l'embrayage se rompt ! Aucun bruit suspect n'a annoncé la catastrophe cette fois-ci. Je me gare comme je peux sur un emplacement exigu encombré de voitures et de touristes. Nous voilà en panne au bord de la route ! Difficile, voire impossible de réparer sur place, pour le moment.
En attendant que le flux de touristes se résorbe nous allons faire un tour. Repérons un camping. Enfin, dans la soirée, le calme étant revenu, les touristes rentrés chez eux, je peux attaquer la réparation. Entre deux averses. Voiture levée sur deux cricks et moi sur le dos rampant dessous, sur un sol humide. Ah les belles vacances ! Mais la réparation réussit et la voiture redevient "conduisible". Quelle joie cette petite victoire contre cette adversité. Car, perdus sur une route de montagne, loin de toute cabine téléphonique (existaient-elles ?) et quand bien même, comment expliquer notre cas à un garagiste italien sans parler l'italien. Grosse merde.
Nous retournons vers Madonna et trouvons un emplacement convenable pour enfin dormir sous la tente et non recroquevillés dans la voiture dont les dossiers des sièges ne sont pas rabattables.
Vendredi 19 août
Après quelques courses à Madonna di Campiglio nous gagnons le lac de Molveno (864 m), l'un des plus beaux lacs des Dolomites au cœur du massif de Brenta (Crozzon di Brenta, Torre di Brenta, Cima Sella, Campanile Basso etc). Apercevons le château de Belfort (XVIème). On tourne en rond à Mezzolombardo (226 m) en suivant les déviations causées par les débordements de l'Adige qui ont provoqué de graves inondations. Il pleut toujours. Et c'est sous la pluie que nous arrivons de nuit à Bolzano. Là aussi les inondations nous font faire moult détours et nous nous perdons dans la ville. Quand enfin nous trouvons la sortie on nous apprend que la route est kaputt. Celle de Fiè Allo Sciliar (880 m) est praticable. Après quelques kilomètres nous nous arrêtons sur le bas-côté et dressons la tente sur l'herbe humide dans un terrain saturé d'eau.
Le cap des 2000 km est franchi. La voiture roule encore, elle freine et débraye toujours et nous prions St Christophe que mes réparations tiennent. Cependant des bruits nouveaux se sont faits entendre, semant l'anxiété dans l'équipage. La voiture n'apprécie ni la montagne et tous ces cols, ni la pluie continuelle. Elle gémit de toutes parts, grince, hoquète, crie qu'elle n'en peut plus. Un grincement continu pareil à un gémissement sort en effet du bloc moteur ou de sa périphérie immédiate.

Samedi 20 Août
Nous avons passé une bonne nuit réparatrice dans l'herbe mouillée de ce bord de route tranquille. Le temps reste menaçant. Depuis le Val d'Anniviers le bilan du voyage est plutôt négatif. Ce fut un tunnel de pluie, nuages, brouillard, agrémenté d'ennuis mécaniques et de pays inondés. Nous n'avons rien vu de ces Dolomites que je désirais tant connaître et parcourir. Et qui se cachent obstinément. En outre la voiture nous préoccupe beaucoup. Et il y a de quoi !
La conclusion s'impose d'elle même : il faut rentrer.
Nous retournons à Bolzano et de là prenons la direction de Vérone où nous retrouvons les autoroutes du Nord de l'Italie, déroulant leurs rubans rectilignes sur un sol enfin plat. La route se poursuit sans encombres jusqu'à Milan, puis Turin traversée à la nuit sans trop nous perdre. Après Turin nous prenons une bretelle pour aller planter la tente au bord d'une route secondaire. Un endroit favorable n'est pas facile à trouver sous "l'obscure clarté qui tombe des étoiles"'. Il faut dégager à grands coups de coupe-coupe (l'atelier transporté dans la voiture est très complet !) un replat confortable en contrebas de la route. Tout l'art de mettre un environnement hostile à son service. Y a-t-il aujourd'hui, dans nos pays, beaucoup de monde qui défriche l'endroit où il va passer la nuit ?
Assez confortablement installés dans la tente nous pouvons envisager la suite de la route vers notre chez nous avec un optimisme raisonnable. La voiture a bien fait quelques manières pour monter les vitesses sur l'autoroute, mais une fois la quatrième enclenchée (il n'y a que 4 vitesses sur la Dyna), la route a défilé sans a-coups. Nous serrions les fesses néanmoins, à l'affût de tout nouveau bruit suspect. Les autres font partie du décor sonore de la randonnée. Sans dépasser la vitesse raisonnable de 100 km/h nous avons parcouru aujourd'hui 500 km. Les Dolomites sont maintenant loin derrière nous. Les Dolomites, quelles Dolomites ? Nous n'en avons rien vu. Déçus mais optimistes quant à nos chances de rentrer chez nous dans cette charrette récalcitrante, chargée de toutes nos affaires et souvenirs, nous nous endormons du sommeil des justes.

Dimanche 21 Août
Il est noté sur le carnet de voyage ramené de l'épopée qu'aujourd'hui c'est la fête de Jeanne de Chantal, donc de Chantal. Puisque c'est noté, nous avons dû la fêter. Mais a-t-on pensé à le faire au cours de cette journée maudite qui s'annonce ?
Tout va bien au début, mais une fois que la voiture est bien réveillée monte de sous le capot avant une cacophonie à nulle autre pareille, un concert de bruits disparates qui vont en s'amplifiant pour aboutir à un point d'orgue terrifiant, matérialisé par une série de chocs violents qui immobilisent la voiture. Je réussis à trouver le point mort, ce qui permet au moteur de continuer à tourner. Considérant que c'est là un caprice de plus de cette mécanique rebelle et non l'aboutissement d'un épuisement total de la-dite mécanique, je mets en prise en première et redémarre. La seconde passe aussi sans grincer. Sauvés ! Las, impossible d'accrocher la troisième ou la quatrième malgré tous mes efforts et les prodiges de tendresse, puis de cris de colère qui s'adressent à la voiture qui fait la sourde oreille. C'est bien la boîte de vitesse qui est en cause. Il doit y avoir une de ces salades là-dedans... Nous pouvons avancer, mais tellement lentement, autour de 25 km/h, que nous devenons un obstacle mobile sur la route. Nous sommes un dimanche du mois d'août avec grande circulation. D'immenses bouchons se forment, malgré toute ma bonne volonté pour laisser passer les véhicules qui nous suivent. Les insultes en langue étrangères, italienne et allemande, pleuvent... Parce qu'ils croient sans doute que nous roulons volontairement à vitesse réduite pour admirer le paysage. Et accessoirement pour les emmerder. Du calme...Et il nous en faut, car bientôt seule la première vitesse daigne entraîner la voiture. Notre dernière cartouche. Vitesse de pointe, à éviter le plus possible : 15 km/h. Vitesse de croisière : 10 km/h. Un vélo va plus vite.
Nous parvenons sans trop y croire au tunnel du col de Tende (1321 m - 1280 m), qui nous évite de passer par le col (1871 m). Ce tunnel nous surprend beaucoup [je n'en ai pas donné les raisons dans mes notes de l'époque]. Nous descendons maintenant vers la FRANCE ! Et vers Cannes, chez mon père, où nous espérons que la Titine pourra se refaire une santé et nous itou. L'espoir fait vivre comme on dit, et nous pensions, sans optimisme béat, que la solidarité familiale nous aiderait à vivre une fin de voyage un peu moins morose.
La voiture descend en "roue libre" c'est à dire au point mort. Pas de frein moteur (on ne peut imaginer descendre en première !). Nous dépendons entièrement de ces satanés freins qui nous ont déjà joué des tours. Et mécaniquement, descendre au point mort... est mortel pour la boîte de vitesse. Accessoirement pour les occupants. Pas le choix.
A la sortie du tunnel nous nous arrêtons pour fêter l'évènement, et sans doute aussi la fête de Chantal, par un bon repas.
La route continue à descendre jusqu'à Tende (815 m-552 m) que nous visitons. Une galère ayant remplacé l'autre, elle a laissé à la météo le soin de s'améliorer ; et puis nous arrivons dans le Sud-Est de la France où "il ne pleut jamais" selon mon père. Hormis quelques ruelles, Tende ne nous charme pas. Nous allons alors faire un tour dans les environs et parcourons ainsi pas mal de km.
Nous avions décidé de passer la fin de la journée dans les environs de Tende car nous avions assez donné aujourd'hui en tant qu'obstacle routier mobile, objet de la haine vindicative et des injures des automobilistes du dimanche qui venaient de découvrir qu'il pouvait exister des conducteurs encore pires qu'eux-mêmes. Décision fut donc prise de partir très tôt demain matin, un lundi, afin d'être plus tranquilles (!) sur la route.
Nous dénichons un bon endroit de camping, seulement un peu perturbé par l'intense circulation du dimanche soir, que nous espérons plus réduite au cours de la nuit.
Réalisant que nous avons pu parcourir plus de 1000 km depuis le premier bruit vraiment inquiétant, nous n'en revenons pas. Nous invoquons la chance pour expliquer ce miracle ! Un comble. Et nous pensons naïvement, qu'ici en France, non loin de Cannes, il ne peut plus rien nous arriver, que nous serons secourus en cas de panne définitive. Nous ne nous faisions en l'occurence aucune illusion : la panne définitive de cette mécanique exténuée était vraiment envisagée, objectivement. Pauvres de nous. Nous n'avions pas encore réalisé dans quel monde minable nous vivions.
Repas du soir serein, devant la tente, l'âme soulagée, face à un horizon immense et bien dégagé. Tel que nous imaginons notre horizon à nous.

Lundi 22 Août
Lever tôt. Ce n'est pas "l'horaire Weisshorn" (voir le carnet de voyage) mais le soleil dort encore lorsque nous lançons notre vaillant mais néanmoins éclopé coursier dans la pente, en roue libre, le pied prêt à bondir sur le frein. A Tende les douaniers dorment encore et la frontière est ouverte, sans contrôle. Schengen avant l'heure ??
La route emprunte des gorges sauvages, traversées sous "une clarté crépusculaire". Et, à un train de sénateur, sans oser y croire, nous arrivons à Menton, au bord de la mer Méditerranée.
La Moyenne Corniche, aux perspectives sublimes encore magnifiées par la lumière du jour naissant, nous amène tranquillement à Cannes où nous sortons du lit le père Ollivier et Maïky, les Ollivier de Cannes comme nous les appelions, très étonnés de nous voir débarquer chez eux et d'aussi bonne heure de surcroît. Paranos comme ils sont c'est tout juste s'ils ne croient pas à un complot ! Le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sautent pas de joie en nous voyant et surtout en apprenant la série de déboires auxquels nous avons été confrontés.
Faut-il dire, que lorsque nous nous sommes quittés dans le Val d'Anniviers il y a huit jours, ils avaient, par politesse, suggéré la visite à Cannes comme une option sur notre trajet du retour, après les Dolomites. De notre côté nous avions rangé cette option dans le placard des choses facultatives, à ne faire qu'en cas de nécessité absolue, Cannes étant un concentré de tout ce que je déteste. La nécessité absolue s'est imposée et c'est en visiteurs intéressés voire même opportunistes, avouons-le, que nous venons ici.
Un premier contact est pris avec le garage du coin.

Mardi 23 Août
Programme de la journée tout trouvé : la mécanique. Mon atelier portatif va pouvoir faire, une fois de plus, ses preuves. Mais où installer la voiture ? Dans la marina ? Impossible, pour des raisons de sécurité paraît-il. Dans la rue contiguë à l'immeuble de l'appartement des Ollivier de Cannes ? La honte, impossible. J'avise alors la cour intérieure de l'immeuble. Un peu ventée et en partie ensablée (parfait pour la mécanique), mais ainsi l'épave sera à l'abri des regards des bien-pensants et autres richissimes cannois (Henri Salvador est un voisin et joue fréquemment à la pétanque sur une petite place ombragée non loin de là). Alors des gueux couverts de cambouis s'affairant autour d'une vieille ferraille, pensez donc ! Où allons-nous ?
Je monte la voiture sur "chandelles" et aidé de Chantal je dépose l'ensemble moteur-boîte de vitesse hors du châssis. Puis je sépare la boîte de vitesse du moteur. Le tout aura pris environ six heures. Pas besoin d'être grand spécialiste pour identifier l'origine des problèmes.
Néanmoins j'insiste pour retourner cet après-midi même avec la boîte de vitesse chez le garagiste consulté la veille, afin qu'il donne son avis. J'ai aussi le secret espoir qu'il effectue la réparation et que le père Ollivier assume les frais occasionnés par son cadeau pourri. De notre microscopique budget voyage il nous reste juste de quoi payer le carburant jusqu'à Pau en excluant tout achat supplémentaire comme de la nourriture. Nourriture que les Ollivier de Cannes auraient souhaité nous faire payer durant notre séjour chez eux. Qu'ils s'en étouffent. Quant à Maïky la belle-mère méprisante elle voulait nous interdire l’accès à l’appartement tant que nous étions «dans le cambouis» avec le risque de tout saloper, surtout la sacro-sainte salle de bain.Le robinet de la cour (dont l'eau est gratuite, elle) est bien suffisant pour décrotter ces manants. La garce, et ton cul il est propre ? Les noms d’oiseaux commençaient à voler en rase-mottes chez les Ollivier de Cannes. Cette vipère et son toutou n'avaient aucune pitié pour notre état de dénuement extrême, nous Chantal et moi transformés en mécanos-club med en maillots de bain au milieu de pièces de voiture éparpillées sur le sol de la sinistre cour de l'immeuble, les mains et même les bras couverts de ce fameux cambouis honni. Ils voyaient bien, jour après jour, les heures laborieuses que nous passions sur cette mécanique ingrate. Rien, zéro compassion, aucune aide même morale. Tout dans leurs gestes et leur comportement voulait dire : "Qu'ils foutent le camp le plus tôt possible, qu'on soit enfin tranquilles."
Mon père crut bon de calmer la polémique en désavouant mollement sa misérable «moitié» et, fait du prince, en nous «autorisant officiellement» l’usage de la salle de bain et le libre accès de l’appartement, sauf pour y dormir. Des cagots nous étions devenus, des pestiférés, à la merci du bon vouloir des seigneurs de ces lieux. Très humiliant. Très triste aussi de ressentir à quel point un père pouvait renier ses enfants. Ne même pas leur offrir un toit pour la nuit. De simples amis nous auraient mieux reçus.
Mais revenons à notre mécanique et à sa science dure mais juste.
Le garagiste est formel (presque autant que moi) : la boîte est fichue et de toutes façons irréparable, soulevant l'argument fallacieux que ce modèle Dyna Panhard n'était plus fabriqué depuis longtemps (construit entre 1954 et 1959) et qu'il ne disposerait pas de pièces de rechange pour la réparer. Mon père respire, me plaint beaucoup mais ne me propose pas d'acheter une autre voiture, fut-ce une très vieille occasion pas chère et qui tomberait en panne loin de chez lui. Même sous ces conditions drastiques il reste inflexible. Tu l'as acceptée, elle est à toi, tu t'en démerdes.
Mais voilà, dans une démarche quasi-prémonitoire, pour ne pas dire divinatoire, j'avais "désossé" le tacot que m'avait vendu le copain Henri Abadie (voir plus haut), et mis de côté différentes pièces détachées. On ne sait jamais. Parmi ces pièces, la boîte de vitesse ! Que ne l'ai-je emmenée dans mon atelier portatif ! Mais ce genre de méga-panne n'avait pas été envisagée.
Aussitôt un coup de téléphone à Pau, à Mam, ma mère. Elle va arranger ça avec Pierre, mon frère. Enfin un peu de coopération familiale, ça fait du bien. Nous pourrons disposer de la nouvelle boîte dans 5 ou 6 jours. Voilà que les parasites s'incrustent chez les Ollivier de Cannes, lesquels devront subvenir à leurs (modestes) besoins plusieurs jours encore.
Pour détendre l'atmosphère et nous distraire les Ollivier de Cannes nous emmènent passer la soirée au cinéma voir une sombre histoire de voiture (encore !) qui a fait la une à Cannes cette année 1966 et qu'il faut a-b-s-o-l-u-m-e-n-t voir : Un homme et une Femme. Original comme titre.

Mercredi 24 Août
Dégagés momentanément des soucis mécaniques nous allons pouvoir enfin profiter des charmes du pays.
Toutes voiles dehors nous étrennons le Golif, petit bâteau à voile que mon père a acquis quand il s'est senti pousser des ailes de marin - que dis-je, de vieux loup de mer, le jour où il n'a plus supporté son ancienne maîtresse, Popo, les montagnes, les Pyrénées, le Béarn et son climat, sa femme et ses enfants, et tout le reste.
Voyage donc à une encablure de Cannes, aux îles de Lérins. Déjeuner au petit Port des Moines. Ce lieu me parle car 10 ans auparavant, en 1956, une jolie fille m'y avait gratifié d'un sourire si beau que je m'en souviens encore. Visite ensuite de l'ancienne abbaye fortifiée.
Nuit tranquille dans le Golif, sans les moustiques annoncés avec un rire sardonique.

Jeudi 25 Août
Occupation toute trouvée : la mécanique ! Je m'attaque à la boîte de vitesse pour évaluer son degré de dégradation. Une fois ouverte elle livre la clé du mystère du vacarme insensé : des roulements et pignons sont brisés, il y a de la limaille de fer partout, un beau carnage. Très optimiste j'estime que ce ne va pas être très compliqué à réparer. J'en ai vu d'autres avec mes motos d'occasion sur lesquelles toutes les parties du moteur ou presque ont nécessité mon intervention. Je n'arrive pas comme un nouveau-né de la dernière pluie sur des problèmes de mécanique.
L'après-midi se passe en menues emplettes au centre de Cannes où Chantal et moi sommes allés à pied. "C'est assez loin" noté-je dans mon carnet de voyage.
Dodo tranquille dans le petit bateau, dans le mouillage calme de la marina, bercé par un léger clapotis

Bonne nouvelle dans la soirée du dimanche 28 août : un coup de téléphone nous apprend que la boîte de vitesse de rechange est empaquetée et que Pierre viendra personnellement en train nous la livrer !
Nous nous sentons mieux, tout n'est pas pourri dans la famille. Nous allons nous en sortir par nous-mêmes, mon vœu le plus cher !

Vendredi 26 août au lundi 29 août
Mécanique ... Mécanique ... Mécanique. Cambouis... Cambouis... Cambouis

Mardi 30 Août
Arrivée de Pierre et de la boîte de vitesse dans la matinée. Je me mets à la mécanique tout de suite, dans la cour de l'immeuble, malgré la pluie qui tombe dans un "pays où il ne pleut jamais". Achat d'un roulement neuf en ville l'après-midi. La réparation avance bien.
Mercredi 31 Août
Journée entière consacrée à la mécanique. Connexion de la boîte enfin réparée au bloc-moteur et montage de l'ensemble sur le châssis de la Dyna. Raccords de l'alimentation en carburant, du système d'allumage, de ventilation, du sélecteur de vitesse, de l'embrayage etc. Pas de raccord d'eau de réfrigération sur cette voiture qui est refroidie à l'air, comme une moto (moteur flat-twin bicylindre). La voiture est reposée au sol sur ses quatre roues. Et maintenant la sanction ou la récompense selon que j'aurais bien ou mal travaillé. La confrontation au réel c'est quelque chose qui ne ment pas, qui fait fi de toute hypocrisie. J'adore ça. Mais il y a des risques !
Contact, moteur. La bête rugit. C'est déjà une récompense. Tous les branchements ont été correctement effectués. Ouf ! La première vitesse s'enclenche comme au premier jour : la voiture avance ! Mais ça elle savait déjà le faire au pire moment de sa maladie et montre simplement que je n'ai pas remonté les pignons à l'envers. Seconde vitesse, oui, elle est là, la voilà qui revit et qui permet une allure propice au passage en troisième... qui passe allègrement ! Je suis maintenant au bord de l'excès de vitesse dans les rues de Cannes et loin de mon "garage". Le spectre de la panne est toujours présent. Je ne pourrais supporter les frais d'un dépannage dans cette cité de riches. Tant pis, je tente le tout pour le tout. La quatrième passe comme le doigt de Mme S dans le c... de Mme U, selon une plaisanterie salace de carabin apprise l'année suivante dans le monde merveilleux du travail. Et me voilà qui file à 100 km/h sur la Croisette, dans la plus pure euphorie. Et je me permets au retour un tapage diurne à grands coups d'avertisseur dans le quartier cosy des Ollivier de Cannes !

Vendredi 2 Septembre
Après d'ultimes réglages j'essaye à nouveau la voiture en me perdant dans la circulation pénible du centre de Cannes. L'essai est "à peu près satisfaisant", est-il noté sur le livre de bord.

Samedi et Dimanche 3 et 4 Septembre
Ascension de la Cime Saint-Robert par la voie d'ascension où se tua quelque temps
auparavant un ancien ami de mon père. Ils s'étaient quittés en très mauvais termes
il y a environ 20 ans et ne s'étaient jamais revus. Je me demande encore pourquoi
mon père avait choisi cette course. Son choix n'était pas innocent.

Lundi 5 Septembre
Lever 6 h et départ à 7 h. Aucune effusion de la part des Ollivier de Cannes. Ils restent à faire semblant de dormir sur leur lieu de stupre, soi-disant fatigués de leur journée d'hier en montagne. Pensez donc, il faudrait en plus leur souhaiter bonne route à ces squatters envahissants. S'enquérir de leurs moyens en cas de panne, de train à prendre, de nourriture à acheter. Et puis quoi encore, ça fait bien assez longtemps que nous les nourrissons gratis et qu’ils s’invitent sous prétexte que leur voiture est en panne. Du vent! En réalité, je l'ai déjà dit, notre pécule suffira juste à payer l'essence du retour. Le moindre imprévu... n'est pas prévu! J'aurais dû demander, ils n'auraient pu refuser. Quel orgueil en moi, ou plutôt pour moi ces gens n'existent plus, fantômes spatio-temporels d'une époque révolue, hologrammes de cauchemar sans consistance. On n'emprunte pas à un hologramme. Le jambon du frigo est bien réel, lui, et je l'emporte. Cela suffira pour le voyage, qui doit bien se passer selon nous, et qui nous éloignera enfin de ces narcissiques pervers et égoïstes, la sorcière en particulier, terrorisée à l'idée que son mari puisse renouer des relations normales avec son fils. Nous étions indifférents, nous devenons haineux. Mais nous avons d'autre chats à fouetter.
C'est maintenant pour nous l'épreuve de vérité sur du long cours pour la voiture. J'ai prévu un détour par les Calanques que je tiens absolument à montrer à Chantal que j'ai dû saouler avec toutes les histoires qui émaillent mes séjours passés dans ces lieux de rêve.
L'oreille aux aguets, nous nous attendons au pire à tout instant. Nous avons été pavlovisés par cette voiture à la personnalité démoniaque. Mais non, rien ne se passe, le moteur tourne comme une montre, pas le moindre bruit suspect. Nous avons l'impression de rêver.
Cassis est atteint sans encombres à 11 h du matin. Je retrouve rapidement le chemin des Calanques, celui qui passe à proximité d'une auberge de jeunesse, depuis le col de la Gineste, près de Marseille. Je stationne la voiture sur le plateau qui domine à la fois les calanques d'En-Vau et de Port-Pin. Et, le temps de faire admirer à Chantal ces sublimes paysages, des racailles ouvrent la Dyna (même fermée à clé c'est très facile, tellement tout est usé sur cette voiture) et nous dérobent la petite radio portative et tout l'argent français qui nous reste. Le charme est rompu. Sans ces quelques misérables sous impossible de rentrer à Pau.
Nous voilà obligés de retourner à Cassis pour porter plainte et téléphoner à Pau depuis la poste. J'ai par chance un petit billet de 5 francs qui traîne dans une poche. Mam promet de faire le nécessaire en nous envoyant un mandat que nous toucherons dès demain. Quant aux flics ils nous envoient balader, arguant que le coin où nous avons été volés ne relève pas de leur juridiction. Il faut aller à Marseille. Tu m'as compris.
Ayant assez d'essence dans le réservoir pour faire l'aller-retour depuis les Calanques nous retournons à l'endroit où nous avons été volés pour passer la nuit. Un fort mistral comme il peut y en avoir du côté de Marseille se lève. J'arrive à dormir dehors. Chantal s'installe dans la voiture et arrive à y dormir malgré le tangage que produisent les rafales de ce vent froid, venu du Nord.

Mardi 6 Septembre
Le mistral et le bruit lancinant qu'il produit en passant sur les pins se calme durant la nuit. Il a dégagé l'atmosphère et au matin nous avons droit à un lever de soleil enchanteur sur la Grande Bleue et les falaises blanches. L'air est calme et sent bon. Quelle sérénité ! Quel contraste après ces semaines pénibles, et le mot est faible.
Nous profitons quelques heures de ce petit paradis sur terre et retournons à Cassis où le mandat est bien arrivé. Merci Mam.
A l'époque nous n'avions même pas eu l'idée de solliciter cette aide de la part des Ollivier de Cannes, ou si nous l'avons eue, nous l'avons tout de suite rejetée. C'est dire le niveau de relation (économique) que nous avions. Nous étions las de toutes ces humiliations.
Nous changeons à la banque les quelques lires qui nous restent de notre passage en Italie et larguons les amarres. Adios Calanques ! Le seul endroit que nous quitterons avec un brin de mélancolie. Projet immédiat : aller dormir dans le Lubéron.
Tel le tapis volant des contes des mille et une nuit la Dyna nous transporte avec aisance dans le pays de Lubéron, plus civilisé que nous le pensions. Nous finissons par trouver une caverne en bordure d'une petite route, parfaite pour y installer nos sacs de couchage. Calmitude totale. Jusqu'à 22h30, heure à laquelle la petite route départementale s'anime tout à coup et se remplit du grondement de quantités de véhicules de tout gabarit déboulant à grande vitesse, certains munis de girophares bleus. Pompiers ? Militaires ? Nous nous faisons tout petits au fond de nos sacs de couchage en espérant qu'il ne nous verront pas. Malheur ! Ils repèrent tout de suite la Dyna qu'ils prennent pour un véhicule volé et abandonné. Sacrée Dyna, sa malédiction nous poursuivra-t-elle jusqu'au bout ? En les entendant épiloguer nous sommes bien obligés de nous manifester. Font alors irruption sous l'auvent de notre caverne plusieurs gendarmes munis de lampes-torche. La situation les fait rire, ils nous recommandent de nous méfier des sangliers et s'en vont aussi vite qu'ils sont venus. Ouf ! Nous nous voyions déjà les fers aux pieds dans une geôle noire et humide pour cause de camping illicite dans un lieu dit "protégé" (et nous alors ?), utilisation d'un réchaud en pays combustible où toute flamme est interdite et que sais-je encore ? Vagabondage peut-être, bien que ce ne soit plus un délit. Tout ceci nous apprend concrètement, et ce en droite ligne des péripéties de notre voyage, que, dès que l'on sort de son petit chez soi privé, tous les codes de la société surgissent pour nous "cadrer", et si l'on s'en écarte rien ne va plus. C'est ça, pas une tête qui dépasse.
Sur ces pensées faussement apaisantes nous nous endormons du sommeil de ceux qui n'ont plus d'argent, pas encore de métier, un carrosse en ruine et un logement provisoire qui les attend à Pau......

Mercredi 7 Septembre
Lever matinal. Repas "préhistorique" des voyageurs, accroupis sous l'auvent de la caverne. Le carrosse va-t-il résister au long trajet que nous allons lui imposer aujourd'hui ?
Apt, Arles, Montpellier, Carcassonne... la circulation est fluide et tout se passe bien. Toulouse est évitée par Auterive. Rappelons ici qu'en 1966 il n'y a pas encore d'autoroutes dans cette région et que l'on traverse toutes les villes qui figurent sur le parcours, avec les ralentissements que cela impose et des contraintes supplémentaires pour la belle Dyna convalescente.
Entre Toulouse et Pau le carnet de voyage signale des "routes tranquilles". Sans doute une escapade en Haute-Garonne et Ariège. Routes tranquilles, agrestes, mais "musclées" néanmoins !
Pau est atteinte aux environs de 21 heures, sans que la voiture ne rende son dernier soupir. Elle nous sera bien utile dans les jours et les mois qui viennent.
Nous réintégrons l'appartement qui nous a été prêté en attendant d'en trouver un qui corresponde à nos ressources, nulles à l'instant présent.
Nous avons là de quoi satisfaire notre soif de l'inconnu !









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