Avec un peu moins de 500 éléphants abattus, la perte est grande pour ce parc qui ne compterait que 600 spécimens.
LE CARNAGE CONTUNE ENCORE ET ENCORE,
ces éléphnats sont les victimes silencieuses de braconniers soudanais
et tchadiens dans un parc national du nord-est du Cameroun.
Les braconniers se contentent de retirer l'ivoire des éléphants et de les laisser mourir.
Image: AFP
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Huit carcasses d’éléphants se décomposent, entourées de mouches et dégageant une odeur nauséabonde, victimes de braconniers soudanais et tchadiens, qui sévissent depuis un mois dans le centre du parc national de Bouba Ndjidda, dans le nord-est du Cameroun.
Depuis janvier, le nombre d’éléphants abattus dans ce parc de 220.000 hectares est estimé à "plus de 480" par le conservateur du parc, Mathieu Fomepa. Il assiste "très, très impuissant", dit-il, à "un vrai carnage" auquel se livrent des braconniers à la recherche d’ivoire, des "guerriers soudano-tchadiens".
"Ces assaillants ont divisé le parc en trois aires d’abattage", tuant "comme ils veulent sans être inquiétés", ajoute-t-il. D’après lui, la série a débuté "le 9 janvier" et les braconniers ont promis de sévir durant "trois mois" alors qu’aucune aide de l’Etat n’est venue au secours du parc.
"Nous avons envoyé plusieurs correspondances notamment à la présidence mais Yaoundé ne bouge pas", s’indigne un responsable de la région du nord ayant requis l’anonymat.
Au début des tueries, 23 soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité d’élite de l’armée camerounaise, ont mené "deux assauts qui n’ont pas été fructueux", ajoute le responsable.
Les braconniers présents dans le parc "disposent d’armes lourdes, de balles, de Kalachnikov. Chacun d’entre eux a deux armes et un pistolet automatique", selon M. Fomepa.
Avec à peine cinq éco-gardes et 20 villageois volontaires, "Nous ne pouvons que battre en retraite avec la modeste équipe que nous avons", constate-t-il impuissant. Au sud du parc, une vingtaine de villageois, armés de couteaux et de machettes, récupèrent des morceaux de viande sur quatre autres carcasses de pachydermes abattus récemment.
Certains fument ces morceaux sur place, d’autres tentent péniblement de faire avancer leurs vélos ou motos chargés de viande alors qu’une dizaine d’autres encore retournent chez eux à pied portant sur la tête des sacs remplis.
"Je compte ramener cette viande à la maison pour nourrir ma famille. La vie n’est pas aisée au village. Je sais que ce n’est pas bien d’abattre les éléphants mais je n’y suis pour rien", affirme un villageois anonyme.
Pourtant, ces massacres n’ont rien d’inhabituels, puisque d’après Grand-Clément Mbambè, un éco-garde du parc, "tous les ans, les braconniers entrent dans le parc à la même période mais cette année leur offensive est grave parce qu’ils vont partout et tuent un nombre impressionnant de pachydermes".
"Avant le Cameroun, les braconniers qui ne constituent que la face visible d’"un puissant réseau de trafiquants d’ivoire", étaient au Tchad voisin, selon Eric Kaba chargé de communication d’une ONG locale.
Ils vont les écouler principalement "en Egypte qui est considéré comme la plaque tournante du commerce de l’ivoire", la destination finale des précieuses défenses étant notamment la chine et le Japon, rapporte M. Kaba,
"Au Cameroun, le prix d’une pointe d’ivoire est compris entre 50'000 et 100'000 FCFA (entre 75 et 150 euros) mais lorsqu’elle sort du pays son coût peut être multiplié par 5 voire par 10", révèle sous anonymat un agent d’ONG
Avec un peu moins de 500 éléphants abattus, la perte est grande pour ce parc qui ne compterait que 600 spécimens, selon Céline Sissler-Bienvenu pour le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) sur le site de l’organisation.